L’Ukraine, la « Pierre de Rosette »
de la désinformation Occidentale
Jean Staune
Mise à jour le 1er Mars
Le 21 février Jeffrey Sachs à confirmé tout ce que je dis dans ce texte lors d’un discours au parlement européen, entre autres, le faite qu’en 2013 Poutine, qui venait de signer un contrat de location pour la base de Sébastopol en Crimée avec le gouvernement ukrainien n’avait pas la moindre idée d’envahir l’Ukraine, ni même d’annexer la Crimée.
Le discours se trouve sur le lien ici et un résumé du discours est posté ici en bas du texte
« Nous » avons déclenché la guerre en Ukraine (« Nous », désigne ici les USA bien entendu, mais avec la complicité, au moins passive de l’UE) . C’est tellement contre-intuitif, tellement contraire à tout ce que l’on a entendu, tout ce que l’on entend dans les médias que je me permets de le répéter pour que vous ayez le temps de bien l’intégrer : nous avons déclenché la guerre en Ukraine.
Mais le plus incroyable, c’est qu’aucun « troll » russe, et dieu sait s’ils sont nombreux sur X et ailleurs, ne vous en donnera jamais les raisons. Car les trolls russes, comme les complotistes, sont très très très stupides. Et leur stupidité les amène à faire des désinformations dont on peut vérifier très vite le caractère mensonger et, aussi incroyable que cela puisse être, à négliger les faits qui pourraient aller dans leur sens.
Ainsi les trolls russes vous bombardent régulièrement de ce message « Soutenez-vous cette femme courageuse, Anne-Laure Bonnel ? Elle a réalisé un film sur le Donbass, perdu son emploi et fait face à des menaces pour avoir rapporté la véritable situation du front ukrainien
Anne-Laure Bonnel est une « journaliste » qui a réalisé un documentaire qui affirme que les ukrainiens ont tué 14 000 civils des régions « pro-russes » du Donbass, ce qui rend évidemment légitime, et donc éthique, l’invasion russe pour sauver les vies de ces innocents(). A chaque fois que je reçois ce message, je réponds sobrement « non ». Même si je sais que cela ne sert strictement à rien.
En effet, la vérité est toute autre. Il y a bien eu 14 000 morts, d’après les Nations Unies entre 2014 et l’invasion russe du 24 février 2022, mais il s’agit pour moitié d’ukrainiens supportant le gouvernement actuel, et pour moitié des citoyens pro-russes dans le Donbass. De plus, la moitié des victimes des deux côtés sont des militaires et non des civils, et enfin, la plus grande partie de ces victimes sont mortes dans les années 2014-2016, et certainement pas récemment où le front était déjà stabilisé.
Une autre tentative courante des trolls russes est d’affirmer que les Ukrainiens s’apprêtaient à lancer une grande attaque sur le Donbass, et l’attaque russe n’a fait que la devancer de quelques jours. Ce tweet-là par exemple : « Le 08/02/2022 les ukrainiens avance leurs troupes vers ses territoires, la Russie répond à l’appel des territoires subissant les bombardements ukrainiens, a noter que se préparer ( sic !) la même chose sur d'autre territoire frontalier de l’Ukraine, j’en ai oublié le noms..
C’est tout aussi faux, car les Ukrainiens n’ont pas plus essayé d’avancer dans les territoires du Donbass que vous ne lancerez vous-même une pierre sur la tête d’un tigre devant vous alors que vous n’êtes armé que d’un couteau de cuisine. Depuis des mois et des mois les Russes massaient des dizaines de milliers d’hommes et des milliers de chars aux portes de l’Ukraine. Vous n’allez quand même pas imaginer un seul instant que les Ukrainiens soient assez stupides pour lancer une attaque à ce moment-là ? S’il y a bien eu une augmentation des tirs des deux côtés de la frontière avant l’attaque russe, il est bien spécifié par les Nations Unies le 17 février, c’est à dire juste avant l’attaque, que les tirs venaient des deux côtés de la frontière .
On peut donc reconstruire ce qui s’est passé : les Russes ont tiré sur les ukrainiens pour évidemment obtenir des tirs en réponse et pouvoir dire que face à cette situation il était nécessaire d’envahir l’Ukraine pour protéger la population russe.
Notons ce commentaire extraordinaire, dans ce même rapport, une semaine avant l’invasion, où le représentant russe, le Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération Russie, dit tranquillement : « La Russie n’a aucune intention d’envahir l’Ukraine. »
Alors, si toutes ces affirmations sont fausses, pourquoi avons-nous déclenché la guerre en Ukraine ?
Cette guerre, nous l’avons déclenchée au plus tard (Mais nous verrons que cela remonte à bien avant voir ici mon texte sur les « ingérences en orange ») le 15 décembre 2013. Et c’est cela le scoop, l’information que personne ne vous donne, ni d’un côté, ni de l’autre.
Imaginez un instant que le 6 janvier 2021, en pleine émeute au Capitol conduite par des supporteurs d’extrême droite de Trump, Piotr Tolstoï, arrière-petit-fils du grand écrivain et sénateur russe, Maria Zakharova, porte-parole du Ministère des Affaires étrangères et l’Ambassadeur russe haranguent les émeutiers avec une sono pour les conforter dans leurs actions et les encourager à renverser ce régime « illégitime ». Puis, en coulisses, Maria Zakharova discute avec les leaders du mouvement d’extrême droite les « Proud Boys » afin de préparer le nouveau gouvernement des USA, une fois le renversement du régime légitime réalisé par les émeutiers.
Même Donald Trump qui a pourtant chauffé ce mouvement, et l’a soutenu presque jusqu’à la dernière minute, aurait hurlé au scandale et à « l’ingérence russe » si cela s’était réalisé. L’ensemble de l’Occident aurait été choqué et cela aurait laissé une tache indélébile sur la façon dont la Russie gère les relations internationales. Bien entendu, cet acte de politique fiction était absolument inenvisageable hier tout autant que demain.
Mais voilà, nous avons fait exactement la même chose le 15 décembre 2013. Les sénateurs John Mc Cain et Chris Murphy se sont adressés sur la Place Maidan à Kiev aux dizaines de milliers de manifestants qui demandaient le renversement du Président Ianoukovitch pendant que Victoria Nuland, la Vice-Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères chargée de l’Ukraine, et l’Ambassadeur américain en Ukraine, non seulement encourageait les manifestants, mais en plus, grâce à une fuite de Wikileaks (on comprend pourquoi les américains ont tant voulu réduire au silence et enfermer Julian Assange), on apprend que lors d’une discussion téléphonique, ils étaient tous les deux tranquillement en train de faire le prochain gouvernement ukrainien après le renversement du gouvernement ukrainien légitime. Ce n’est pas moi qui le dit, mais la BBC, que personne ne peut, j’imagine, traiter de source « pro russe ».
Plus fort encore, on apprend dans le même article que Victoria Nuland écarta Vitali Klitschko, le Maire de Kiev (pourtant l’un des leaders de l’opposition, mais sans doute pas assez pro-américain) au profit d’un certain Arseni Iatseniouk qui deviendra bel et bien le Premier Ministre ukrainien deux mois plus tard après tant d’efforts du gouvernement américain (trois visites de Victoria Nuland en moins d’un mois) pour renverser le président du pays. Celui-ci s’est finalement enfui 24h après avoir signé un accord de fin de crise avec l’opposition… que celle-ci s’est empressée de ne pas respecter.
Or, et c’est là où cela devient véritablement intéressant, l’élection en 2010, qui avait vu la victoire du Président Ianoukovitch sur Ioulia Timochenko, grande avocate du rapprochement avec l’occident, avait été jugée par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe comme étant « une présidentielle transparente et honnête », et tenez-vous bien, « une démonstration impressionnante de démocratie »
Est-ce que vous réalisez bien ce qui s’est passé le 15 décembre 2013 ? Un président parfaitement légitime, élu grâce à une « démonstration impressionnante de démocratie », selon les occidentaux eux-mêmes, dans un pays où des élections précédentes avaient été sujettes à caution, est chassé par un mouvement populaire soutenu à bout de bras par les américains, pour une seule et unique raison : il avait choisi de se détourner de l’Europe pour se rapprocher de la Russie.
On ne peut absolument pas dire que le mouvement dit « Euromaïdan » de 2014 représentait l’ensemble de la population ukrainienne, mais représentait l’opinion des ukrainiens du Nord et de l’Ouest dans leur immense majorité pro-Occidentale. Les Ukrainiens du Sud et de l’Est qui ne pouvaient pas venir manifester à Kiev, car ils étaient distants de centaines de kilomètres, faisaient leurs propres manifestations pour le président en place dans leur coin. De toutes les façons, même si une majorité d’ukrainiens étaient contre leur propre gouvernement, cela ne légitime pas plus de le renverser, qu’il n’aurait été légitime pour les gilets jaunes par exemple de renverser Emmanuel Macron et la Constitution de la Vème République.
Or Victoria Nuland nous apprend que les américains ont consacré 5 milliards de dollars, certes une grande partie pour l’aide au développement, mais une autre partie pour « promouvoir » la démocratie (comme on le dit poliment), c’est-à-dire pour faire une ingérence dans les affaires ukrainiennes en soutenant les partis pro-Occidentaux(voir cette vidéo à 7’40’’. ). Laquelle Victoria Nuland reconnaît avoir dit au Président qu’il n’avait pas d’autre choix que de se rapprocher de l’Europe, c’est-à-dire en avouant elle-même son ingérence inacceptable dans les affaires d’un pays souverain.
Comment s’étonner que quelques jours après la chute de Ianoukovitch qui a quand même résisté aux pressions et aux ingérences de toutes sortes pendant plus de deux mois, Poutine ait mis la main sur la Crimée (sans tirer un coup de feu), puis en tirant cette-fois-ci de nombreux coups de feu, créé des « Républiques autonomes » à Donetsk et à Lougansk avec le soutien en matériel et aussi en « mercenaires » de l’armée russe. On peut trouver que sa réaction était presque « mesurée » quand on connaît la réalité de ce qui s’est passé.
Depuis le 24 février 2022, des milliers d’émissions ont été consacrées à l’Ukraine. Et pourtant, personne, à ma connaissance, n’a rappelé la date du 15 décembre 2013 qui, pourtant, est la cause de tout. Sans le renversement complètement illégal de Ianoukovitch, la Crimée ne serait pas aujourd’hui dans la Fédération de Russie, et il est très probable qu’il n’y aurait pas de guerre en Ukraine (bien sûr, on peut toujours dire qu’un autre type de crise aurait pu apparaître plus tard et mener au même résultat).
Tout ceci n’excuse évidemment pas la décision délirante de Poutine du 24 février 2022. Comme l’a dit Talleyrand avec cynisme de la décision de Napoléon d’exécuter le Duc d’Enghien : « c’est pire qu’un crime, c’est une faute ».
Quand Poutine après avoir dit et crié sur tous les tons qu’il n’envahirait pas l’Ukraine, a annoncé le 21 février qu’il allait reconnaître l’indépendance des Républiques Autonomes de Donetsk et de Lougansk, je me suis presque dit : « Enfin ! il était temps ! ». En effet, si cette annexion s’était déroulée comme celle de la Crimée, c’est-à-dire qu’un territoire déjà sur le contrôle russe devient russe sans tirer un coup de feu, les américains et les européens auraient mis en place quelques sanctions supplémentaires et « symboliques », et le monde aurait continué à tourner...business as usual !
Mais j’ai été gravement alerté, quand quelques jours plus tard Poutine a annoncé qu’il reconnaissait l’indépendance de ces républiques « dans leurs frontières administratives ». J’ai immédiatement compris que cela signifiait la guerre, puisque la moitié du Donbass était aux mains des Ukrainiens. Et c’était bien effectivement le plan de Poutine, il ne s’est d’ailleurs pas contenté d’essayer d’envahir le reste du Donbass qu’il ne possédait pas, mais il a directement attaqué Kiev et les plus grandes villes ukrainiennes.
Cet acte fou et délirant, pour lequel il est inexcusable, ne doit pas faire oublier que la racine du problème est dû à des agissements complètement illégaux initiés par les USA et non pas par la Russie.
Le simple fait qu’aucun média ne dise cela, même à titre de « rappel », et que tous les réseaux pro-russes ne mentionnent pas cela non plus mais relaient des affirmations absurdes comme celles mentionnées plus haut ou comme celle-ci disant que la Russie a été « attaquée »
: « C'est la Russie qui a été agressé lâchement... l'Ukraine a été utilisée par les occidentaux pour attaqué (sic) la Russie. » . Il ne s’agissait en aucun cas d’une agression de la Russie, mais une volonté de réduire le plus possible son « espace vital », si j’ose employer ce terme, ou en tout cas son influence sur ce que les russes appellent « l’étranger proche », c’est-à-dire les républiques de l’ancienne URSS qu’ils contrôlaient totalement avant 1991.
Mais cette scandaleuse action occidentale en Ukraine n’est que la partie émergée de l’iceberg. Comme le montre mon texte sur ce site « ingérences en orange », tout cela avait commencé dès le début des années 2000…
Le 21 février Jeffrey Sachs à confirmé tout ce que je dis dans ce texte lors d’un discours au parlement européen, entre autres, le faite qu’en 2013 Poutine, qui venait de signer un contrat de location pour la base de Sébastopol en Crimée avec le gouvernement ukrainien n’avait pas la moindre idée d’envahir l’Ukraine, ni même d’annexer la Crimée.
Le discours se trouve sur le lien ici et un résumé du discours est posté ici en bas du texte
« Nous » avons déclenché la guerre en Ukraine (« Nous », désigne ici les USA bien entendu, mais avec la complicité, au moins passive de l’UE) . C’est tellement contre-intuitif, tellement contraire à tout ce que l’on a entendu, tout ce que l’on entend dans les médias que je me permets de le répéter pour que vous ayez le temps de bien l’intégrer : nous avons déclenché la guerre en Ukraine.
Mais le plus incroyable, c’est qu’aucun « troll » russe, et dieu sait s’ils sont nombreux sur X et ailleurs, ne vous en donnera jamais les raisons. Car les trolls russes, comme les complotistes, sont très très très stupides. Et leur stupidité les amène à faire des désinformations dont on peut vérifier très vite le caractère mensonger et, aussi incroyable que cela puisse être, à négliger les faits qui pourraient aller dans leur sens.
Ainsi les trolls russes vous bombardent régulièrement de ce message « Soutenez-vous cette femme courageuse, Anne-Laure Bonnel ? Elle a réalisé un film sur le Donbass, perdu son emploi et fait face à des menaces pour avoir rapporté la véritable situation du front ukrainien
Anne-Laure Bonnel est une « journaliste » qui a réalisé un documentaire qui affirme que les ukrainiens ont tué 14 000 civils des régions « pro-russes » du Donbass, ce qui rend évidemment légitime, et donc éthique, l’invasion russe pour sauver les vies de ces innocents(). A chaque fois que je reçois ce message, je réponds sobrement « non ». Même si je sais que cela ne sert strictement à rien.
En effet, la vérité est toute autre. Il y a bien eu 14 000 morts, d’après les Nations Unies entre 2014 et l’invasion russe du 24 février 2022, mais il s’agit pour moitié d’ukrainiens supportant le gouvernement actuel, et pour moitié des citoyens pro-russes dans le Donbass. De plus, la moitié des victimes des deux côtés sont des militaires et non des civils, et enfin, la plus grande partie de ces victimes sont mortes dans les années 2014-2016, et certainement pas récemment où le front était déjà stabilisé.
Une autre tentative courante des trolls russes est d’affirmer que les Ukrainiens s’apprêtaient à lancer une grande attaque sur le Donbass, et l’attaque russe n’a fait que la devancer de quelques jours. Ce tweet-là par exemple : « Le 08/02/2022 les ukrainiens avance leurs troupes vers ses territoires, la Russie répond à l’appel des territoires subissant les bombardements ukrainiens, a noter que se préparer ( sic !) la même chose sur d'autre territoire frontalier de l’Ukraine, j’en ai oublié le noms..
C’est tout aussi faux, car les Ukrainiens n’ont pas plus essayé d’avancer dans les territoires du Donbass que vous ne lancerez vous-même une pierre sur la tête d’un tigre devant vous alors que vous n’êtes armé que d’un couteau de cuisine. Depuis des mois et des mois les Russes massaient des dizaines de milliers d’hommes et des milliers de chars aux portes de l’Ukraine. Vous n’allez quand même pas imaginer un seul instant que les Ukrainiens soient assez stupides pour lancer une attaque à ce moment-là ? S’il y a bien eu une augmentation des tirs des deux côtés de la frontière avant l’attaque russe, il est bien spécifié par les Nations Unies le 17 février, c’est à dire juste avant l’attaque, que les tirs venaient des deux côtés de la frontière .
On peut donc reconstruire ce qui s’est passé : les Russes ont tiré sur les ukrainiens pour évidemment obtenir des tirs en réponse et pouvoir dire que face à cette situation il était nécessaire d’envahir l’Ukraine pour protéger la population russe.
Notons ce commentaire extraordinaire, dans ce même rapport, une semaine avant l’invasion, où le représentant russe, le Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération Russie, dit tranquillement : « La Russie n’a aucune intention d’envahir l’Ukraine. »
Alors, si toutes ces affirmations sont fausses, pourquoi avons-nous déclenché la guerre en Ukraine ?
Cette guerre, nous l’avons déclenchée au plus tard (Mais nous verrons que cela remonte à bien avant voir ici mon texte sur les « ingérences en orange ») le 15 décembre 2013. Et c’est cela le scoop, l’information que personne ne vous donne, ni d’un côté, ni de l’autre.
Imaginez un instant que le 6 janvier 2021, en pleine émeute au Capitol conduite par des supporteurs d’extrême droite de Trump, Piotr Tolstoï, arrière-petit-fils du grand écrivain et sénateur russe, Maria Zakharova, porte-parole du Ministère des Affaires étrangères et l’Ambassadeur russe haranguent les émeutiers avec une sono pour les conforter dans leurs actions et les encourager à renverser ce régime « illégitime ». Puis, en coulisses, Maria Zakharova discute avec les leaders du mouvement d’extrême droite les « Proud Boys » afin de préparer le nouveau gouvernement des USA, une fois le renversement du régime légitime réalisé par les émeutiers.
Même Donald Trump qui a pourtant chauffé ce mouvement, et l’a soutenu presque jusqu’à la dernière minute, aurait hurlé au scandale et à « l’ingérence russe » si cela s’était réalisé. L’ensemble de l’Occident aurait été choqué et cela aurait laissé une tache indélébile sur la façon dont la Russie gère les relations internationales. Bien entendu, cet acte de politique fiction était absolument inenvisageable hier tout autant que demain.
Mais voilà, nous avons fait exactement la même chose le 15 décembre 2013. Les sénateurs John Mc Cain et Chris Murphy se sont adressés sur la Place Maidan à Kiev aux dizaines de milliers de manifestants qui demandaient le renversement du Président Ianoukovitch pendant que Victoria Nuland, la Vice-Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères chargée de l’Ukraine, et l’Ambassadeur américain en Ukraine, non seulement encourageait les manifestants, mais en plus, grâce à une fuite de Wikileaks (on comprend pourquoi les américains ont tant voulu réduire au silence et enfermer Julian Assange), on apprend que lors d’une discussion téléphonique, ils étaient tous les deux tranquillement en train de faire le prochain gouvernement ukrainien après le renversement du gouvernement ukrainien légitime. Ce n’est pas moi qui le dit, mais la BBC, que personne ne peut, j’imagine, traiter de source « pro russe ».
Plus fort encore, on apprend dans le même article que Victoria Nuland écarta Vitali Klitschko, le Maire de Kiev (pourtant l’un des leaders de l’opposition, mais sans doute pas assez pro-américain) au profit d’un certain Arseni Iatseniouk qui deviendra bel et bien le Premier Ministre ukrainien deux mois plus tard après tant d’efforts du gouvernement américain (trois visites de Victoria Nuland en moins d’un mois) pour renverser le président du pays. Celui-ci s’est finalement enfui 24h après avoir signé un accord de fin de crise avec l’opposition… que celle-ci s’est empressée de ne pas respecter.
Or, et c’est là où cela devient véritablement intéressant, l’élection en 2010, qui avait vu la victoire du Président Ianoukovitch sur Ioulia Timochenko, grande avocate du rapprochement avec l’occident, avait été jugée par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe comme étant « une présidentielle transparente et honnête », et tenez-vous bien, « une démonstration impressionnante de démocratie »
Est-ce que vous réalisez bien ce qui s’est passé le 15 décembre 2013 ? Un président parfaitement légitime, élu grâce à une « démonstration impressionnante de démocratie », selon les occidentaux eux-mêmes, dans un pays où des élections précédentes avaient été sujettes à caution, est chassé par un mouvement populaire soutenu à bout de bras par les américains, pour une seule et unique raison : il avait choisi de se détourner de l’Europe pour se rapprocher de la Russie.
On ne peut absolument pas dire que le mouvement dit « Euromaïdan » de 2014 représentait l’ensemble de la population ukrainienne, mais représentait l’opinion des ukrainiens du Nord et de l’Ouest dans leur immense majorité pro-Occidentale. Les Ukrainiens du Sud et de l’Est qui ne pouvaient pas venir manifester à Kiev, car ils étaient distants de centaines de kilomètres, faisaient leurs propres manifestations pour le président en place dans leur coin. De toutes les façons, même si une majorité d’ukrainiens étaient contre leur propre gouvernement, cela ne légitime pas plus de le renverser, qu’il n’aurait été légitime pour les gilets jaunes par exemple de renverser Emmanuel Macron et la Constitution de la Vème République.
Or Victoria Nuland nous apprend que les américains ont consacré 5 milliards de dollars, certes une grande partie pour l’aide au développement, mais une autre partie pour « promouvoir » la démocratie (comme on le dit poliment), c’est-à-dire pour faire une ingérence dans les affaires ukrainiennes en soutenant les partis pro-Occidentaux(voir cette vidéo à 7’40’’. ). Laquelle Victoria Nuland reconnaît avoir dit au Président qu’il n’avait pas d’autre choix que de se rapprocher de l’Europe, c’est-à-dire en avouant elle-même son ingérence inacceptable dans les affaires d’un pays souverain.
Comment s’étonner que quelques jours après la chute de Ianoukovitch qui a quand même résisté aux pressions et aux ingérences de toutes sortes pendant plus de deux mois, Poutine ait mis la main sur la Crimée (sans tirer un coup de feu), puis en tirant cette-fois-ci de nombreux coups de feu, créé des « Républiques autonomes » à Donetsk et à Lougansk avec le soutien en matériel et aussi en « mercenaires » de l’armée russe. On peut trouver que sa réaction était presque « mesurée » quand on connaît la réalité de ce qui s’est passé.
Depuis le 24 février 2022, des milliers d’émissions ont été consacrées à l’Ukraine. Et pourtant, personne, à ma connaissance, n’a rappelé la date du 15 décembre 2013 qui, pourtant, est la cause de tout. Sans le renversement complètement illégal de Ianoukovitch, la Crimée ne serait pas aujourd’hui dans la Fédération de Russie, et il est très probable qu’il n’y aurait pas de guerre en Ukraine (bien sûr, on peut toujours dire qu’un autre type de crise aurait pu apparaître plus tard et mener au même résultat).
Tout ceci n’excuse évidemment pas la décision délirante de Poutine du 24 février 2022. Comme l’a dit Talleyrand avec cynisme de la décision de Napoléon d’exécuter le Duc d’Enghien : « c’est pire qu’un crime, c’est une faute ».
Quand Poutine après avoir dit et crié sur tous les tons qu’il n’envahirait pas l’Ukraine, a annoncé le 21 février qu’il allait reconnaître l’indépendance des Républiques Autonomes de Donetsk et de Lougansk, je me suis presque dit : « Enfin ! il était temps ! ». En effet, si cette annexion s’était déroulée comme celle de la Crimée, c’est-à-dire qu’un territoire déjà sur le contrôle russe devient russe sans tirer un coup de feu, les américains et les européens auraient mis en place quelques sanctions supplémentaires et « symboliques », et le monde aurait continué à tourner...business as usual !
Mais j’ai été gravement alerté, quand quelques jours plus tard Poutine a annoncé qu’il reconnaissait l’indépendance de ces républiques « dans leurs frontières administratives ». J’ai immédiatement compris que cela signifiait la guerre, puisque la moitié du Donbass était aux mains des Ukrainiens. Et c’était bien effectivement le plan de Poutine, il ne s’est d’ailleurs pas contenté d’essayer d’envahir le reste du Donbass qu’il ne possédait pas, mais il a directement attaqué Kiev et les plus grandes villes ukrainiennes.
Cet acte fou et délirant, pour lequel il est inexcusable, ne doit pas faire oublier que la racine du problème est dû à des agissements complètement illégaux initiés par les USA et non pas par la Russie.
Le simple fait qu’aucun média ne dise cela, même à titre de « rappel », et que tous les réseaux pro-russes ne mentionnent pas cela non plus mais relaient des affirmations absurdes comme celles mentionnées plus haut ou comme celle-ci disant que la Russie a été « attaquée »
: « C'est la Russie qui a été agressé lâchement... l'Ukraine a été utilisée par les occidentaux pour attaqué (sic) la Russie. » . Il ne s’agissait en aucun cas d’une agression de la Russie, mais une volonté de réduire le plus possible son « espace vital », si j’ose employer ce terme, ou en tout cas son influence sur ce que les russes appellent « l’étranger proche », c’est-à-dire les républiques de l’ancienne URSS qu’ils contrôlaient totalement avant 1991.
Mais cette scandaleuse action occidentale en Ukraine n’est que la partie émergée de l’iceberg. Comme le montre mon texte sur ce site « ingérences en orange », tout cela avait commencé dès le début des années 2000…