Préface à la troisième réédition de « Christ et Karma »
Jean Staune
Chers lecteurs, vous tenez entre les mains un ouvrage d'une extrême importance pour l'époque actuelle. Cela en surprendra sans doute plus d'un. De la même façon que l'on objecte, dans l’Évangile, à Nicodème, qui croit avoir trouvé en Jésus le messie: " Examine et tu verras qu'il ne sort point de prophète de Galilée" (Jean 7, 52), un intellectuel parisien, pour autant qu'il connaisse le père Brune, pourrait dire " Examine et tu verras que le père Brune ne peut pas produire un ouvrage important". Son grand best-seller "Les morts nous parlent " et de nombreux autres de ses ouvrages nous parlent de communication avec l'au-delà, des expériences d'approche de la mort, et de nombreux phénomènes dits "paranormaux".
Cela suffit largement pour être décrédibilisé aux yeux des intellectuels classiques et voir ses apparitions médiatiques cantonnées aux émissions consacrées aux phénomènes paranormaux, que personne de « sérieux » n'oserait regarder.
Le père Brune est pourtant l'auteur de nombreux ouvrages de théologie de haut niveaux, dont une véritable thèse (qui sera, elle aussi, republiée par le même éditeur) " Pour que l'homme devienne Dieu" inspirée de la fameuse phrase de Saint Augustin "Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu".
Si beaucoup peuvent se réjouir que, dans ses ouvrages, le père Brune combatte la déviation abominable du christianisme qui a consisté pendant des siècles à affirmer que le sacrifice du Christ sur la Croix et les intercessions de la Vierge Marie avaient pour but de calmer "la colère de Dieu " contre les hommes, étant donné l'importance de leurs péchés, le père Brune commet dans ses ouvrages deux "crimes" qui lui retirent à jamais toute chance d'être soutenu par la « génération Jean Paul II », la branche la plus active de l’Église catholique suivant la ligne classique.
Le premier consiste à ne pas accepter en bloc le « package », c'est-à-dire l'ensemble des dogmes professés par l’Église, auxquels il serait obligatoire de croire. Le père Brune refuse de mettre sa liberté de penser sous l'éteignoir, à l’inverse de son vieux professeur de séminaire qui lui disait " Il vaut mieux avoir tort avec le Pape que raison contre lui". Il nous montre comment si l'on suit la théologie classique de l’Eglise, entre autres sur la question du salut, on arrive immédiatement à des absurdités.
L'enfant qui meurt quelques minutes après sa naissance et qui a la chance d'être baptisé va au Paradis. Mais si le prêtre, retardé par un embouteillage arrive 5 minutes trop tard, l'enfant sera à jamais « stocké » dans les limbes, dont un prêtre traditionaliste m'a dit un jour qu'elles étaient par rapport au Paradis comme un puits de mine par rapport à la surface de la Terre, mais que les âmes innocentes qui y vivaient ne souffraient pas de leur situation, car elles n'avaient pas conscience de l’existence d'un monde meilleur ![1]
Plus grave encore, le père Brune remet profondément en cause toute la synthèse thomiste qui est à la base même de l'enseignement officiel de l'Eglise Catholique depuis plusieurs siècles. Il l'accuse d'avoir déspiritualisé le christianisme, d'avoir trahi son esprit et d'avoir ouvert la porte à ce qui deviendra le matérialisme triomphant de la modernité.
Au vu de ce dernier point, on se doute que le père Brune est également à l’opposé des chrétiens modernistes qui, en réaction contre les excès de l'Eglise, ont adopté une forme de matérialisme chrétien, dans lequel, par exemple, la résurrection du Christ se produit dans l’expérience collective que les apôtres ont de lui. Une façon polie de dire que ce n'est pas un phénomène réel, comme tout autre phénomène miraculeux décrit dans les Evangiles.
Ainsi du point de vue des leaders d'opinion, le père Brune est dans une solitude abyssale. Il ne peut compter ni sur l’Eglise catholique fidèle à Rome, ni sur l'Eglise catholique opposée à Rome, ni sur les intellectuels en vue, qui sont prêts à discuter avec un prêtre à condition que celui-ci n’arrive pas avec "l'au-delà" en bandoulière.
Mais le père Brune peut compter sur les millions de personnes qui ne se satisfont ni du matérialisme ambiant, ni du dogmatisme de certaines approches religieuses. Des dizaines de milliers d'entre eux, voire des centaines, ont déjà lu ses livres.
Le père Brune traite ici d'une des questions les plus fondamentales qui soit: Pourquoi Dieu a- t-il crée l'homme? La réponse que donne le père Brune peut surprendre, puisque dans le cadre de tous les monothéismes, il existe une distinction nette entre le Créateur et la créature. Dieu nous a crée pour que nous répondions à son amour et que nous l'aimions de telle façon que comme dans un couple particulièrement amoureux, nous devenions un avec lui. Deux dans un seul corps, comme le dit Touka un mystique hindou, cité au chapitre XIII.
Il ne s'agit donc pas de voir Dieu dans un quelconque paradis, mais de faire un avec Lui. Cet amour de Dieu auquel l'homme doit répondre est forcément discret. Dans une très belle parabole, il est comparé à l'amour d'un prince pour une mendiante. Celui-ci ne peut en aucun cas venir lui demander sa main avec ses habits royaux dans un splendide carrosse. Comment pourrait-il alors être sûr qu'elle l’aime pour lui-même ? C'est donc en mendiant qu'il se présentera et elle le repoussera maintes fois avant de tomber amoureuse de lui et qu’il lui révèle alors sa véritable nature.
C'est ainsi que nous devons chercher Dieu et répondre à son amour sans avoir, comme la mendiante, la moindre garantie d'un avenir radieux, pour que notre démarche reste désintéressée. De nombreux mystiques chrétiens mais aussi soufis musulmans et des hindous, ont vécu cette union à Dieu comme en témoigne les citations rassemblées dans cet ouvrage.
Et si cet ouvrage montre certaines convergences (et également des différences) dans les approches des grandes religions, le père Brune est et reste fondamentalement chrétien. C'est donc dans le Christ et à travers lui que peut se produire cette union à Dieu, que l'on soit juif, musulman, chrétien ou même sans religion particulière.
Le Christ est comme le pont qui permet de passer de ce monde à Dieu, et cela pour tous les hommes, quelque soit leur religion. Mais pour comprendre cela, il faut introduire deux notions importantes des nouveaux paradigmes scientifiques: l'hologramme et la non-séparabilité.
L'une des forces du père Brune c'est que, s'il n'est pas un scientifique, il suit de très près le développement des nouveaux concepts dans ce domaine, et cite de nombreux pionniers de la physique quantique.
Lorsque vous prenez un objet en photo avec la technique de l’hologramme, vous obtenez une plaque dite holographique sur laquelle on distingue non une image, mais un entrelacis de lignes. Si vous coupez la plaque en deux et en remettez une moitié dans l’appareil, vous obtiendrez encore une image complète de l’objet photographié et non de la moitié de l’objet comme avec une photo normale. Et cela reste vrai même pour des morceaux de plus en plus petits de la plaque (mais la définition de l’image sera de moins en moins bonne).
La non-séparabilité entre deux particules démontrée expérimentalement par Alain Aspect en 1982, est une connexion qui relie deux particules en s’affranchissant du temps et de l’espace.
Comment concevoir que l’on puisse être à la fois une partie d’un système et sa totalité ? Qu’on puisse être vraiment un homme et vraiment Dieu ? Le problème de l’incarnation et du statut du Christ n’est pas seulement une énigme, voire une absurdité pour les non chrétiens, mais il a été source de bien des divisions, des schismes et des débats à l’intérieur du christianisme.
La métaphore de l’hologramme, même s’il elle n’est qu’une métaphore, permet enfin de conceptualiser cela. Quand le Christ dit à la fois « Qui m’a vu a vu le Père » ( Jean 14,9), et « Le Père est plus grand que moi » (Jean 14,28), il faut comprendre : je suis porteur de la totalité de l’information du système, tout en n’étant qu’une partie de celui-ci.
Mais le père Brune ne s’arrête pas là, il voit un double hologramme dans les relations entre le Père, le Christ et l’humanité. Car Jésus a prié le Père pour que ses disciples soient un comme le Père et lui sont un (Jean 17, 21-22). C’est là une des affirmations les plus étonnantes pour un esprit moderne de cet ouvrage, mais dont le père Brune nous montre qu’elle a été défendue par de très nombreux pères de l’Eglise. Elle était une idée classique à l’origine du christianisme : tout ayant été créé dans le Christ, le Christ est en nous, dans notre main, dans notre pied, non pas que notre main soit la main du Christ, ou notre pied, le pied du Christ, mais que le Christ tout entier, toujours selon le principe de l’hologramme, soit contenu dans notre main ou dans notre pied.
C’est ce double hologramme, celui qui nous relie au Christ et celui qui relie le Christ à Dieu qui explique que l’homme puisse bel et bien devenir Dieu quand il répond à l’amour de celui-ci pour sa créature. Mais une des conséquences de ce système, c’est que tous les hommes sont reliés et que toutes nos actions impactent non seulement notre destinée ( le Karma individuel des hindous), mais aussi celle de toute l’humanité et même de tout l’univers. C’est une généralisation du fameux concept chrétien de la Communion des Saints, si bien résumé par Sainte-Thérèse de Lisieux «une âme qui s’élève élève le monde » (et vice et versa faut il, hélas, rajouter).
Il y a donc une véritable non-séparabilté entre tous les êtres humains, et cela au-delà de l’espace, mais aussi au-delà du temps. Le père Brune cite de nombreux théologiens et mystiques ayant soutenus une telle conception de ce que l’on pourrait appeler un Karma collectif de l’humanité (d’où le lien avec le titre) mais la citation la plus étonnante est celle de Virgil Gheorghiu, justement parce qu’il s’agit d’un homme du XXe siècle : « L’histoire du monde fait partie intégrante, inséparable, de la vie personnelle de chaque individu, de tout chrétien. La vie d’un homme ne peut pas être localisée dans un seul espace, dans un seul temps. Pour faire la biographie d’un homme, il faut commencer par abolir les notions de temps et d’espace, qui séparent.
Tout chrétien est contemporain du premier homme et de tous les hommes de tous les temps et de toutes les terres habités. Aucun chrétien n’est seul au monde. Un chrétien vit dans tous les temps présents, passés et futurs, simultanément, et partout où il y a des hommes »
Et ceci est vrai non seulement pour les chrétiens, mais pour tous les hommes, nous dit le père Brune. On voit ainsi le prodigieux changement de perspective qu’apporte une telle conception d’une co-responsabilité de tous les hommes au destin de l’humanité. Cela éclaire d’un jour nouveau des problèmes comme celui du mal, de l’existence du diable ou du péché originel. Ainsi le diable n’est pas une personne, mais un « égrégore » ayant atteint un certain niveau de conscience. Ce sont les émanations du mental humain, quand elles sont mauvaises qui arrivent à condenser et à créer une telle force. Comme le temps et l’espace n’ont rien à voir dans cette histoire, il ne faut nullement s’étonner que Satan existe avant l’homme, même s’il est le fruit des déviations humaines. Néanmoins, il ne saurait être éternel, car seul Dieu peut créer et justement Dieu n’a pas créé le mal. Il a créé une créature vraiment libre, c’est-à-dire capable de faire le bien ou le mal. Et que personne, même pas Dieu, ne peut empêcher de faire le mal, s’il le désire vraiment, avec les conséquences négatives que cela implique pour toute l’humanité.
Dans le monothéisme et tout particulièrement dans le christianisme, le salut de l’homme ne dépend pas uniquement de ses propres efforts, mais aussi de la prière et des efforts des autres. Le père Brune note que cette idée de l’aide à la prise en charge d’un karma, même si elle est très minoritaire dans les religions de l’Asie, est néanmoins présente, entre autres avec la notion de bodhisattva, ce qui ouvre la voie à un dialogue Orient-Occident.
Certains pourront être rebutés ou freinés par quelques naïvetés présentes dans l’ouvrage, par une invocation régulière de messages reçus de l’au-delà et de phénomènes dits paranormaux. Mais tout ceci ne constitue nullement la thèse centrale de l’ouvrage, simplement des allégations susceptibles de la renforcer et que l’on peut accepter ou non. Car sur le fond, il s’agit d’un ouvrage traitant de la question la plus essentielle qui soit : pourquoi le monde existe-t-il , et quelle est la destinée de l’esprit humain ?
La réponse qui y est apportée est à la fois novatrice, tout en rejoignant de nombreuses conceptions et intuitions de mystiques, telle cette fameuse parole attribuée à Dieu dans l’Islam : « J’étais un trésor caché et j’ai désiré être connu»
La synthèse présentée ici, ouverte au dialogue interreligieux, est particulièrement originale en ce qu’elle est profondément chrétienne tout en s’écartant des diverses voix classiques, modernistes ou traditionalistes qui dominent actuellement le christianisme occidental. Cela fait du père Brune l’un des prêtres catholiques vivants dont les travaux sont des plus importants, et de cet ouvrage, dont il faut saluer la troisième réédition (chacune chez des éditeurs différents), un ouvrage phare pour tous ceux qui cherchent les lumières de la spiritualité ( pas les autres « lumières »!) dans les ténèbres du matérialisme contemporain.
[1] Depuis peu il n’est plus obligatoire de croire aux limbes, du coup le Catéchisme de l’Eglise Catholique ne sait plus trop ce qui arrive aux enfants morts sans baptême : il y est dit…que l’on peu espérer que Dieu trouvera une solution pour eux !
Jean Staune
Chers lecteurs, vous tenez entre les mains un ouvrage d'une extrême importance pour l'époque actuelle. Cela en surprendra sans doute plus d'un. De la même façon que l'on objecte, dans l’Évangile, à Nicodème, qui croit avoir trouvé en Jésus le messie: " Examine et tu verras qu'il ne sort point de prophète de Galilée" (Jean 7, 52), un intellectuel parisien, pour autant qu'il connaisse le père Brune, pourrait dire " Examine et tu verras que le père Brune ne peut pas produire un ouvrage important". Son grand best-seller "Les morts nous parlent " et de nombreux autres de ses ouvrages nous parlent de communication avec l'au-delà, des expériences d'approche de la mort, et de nombreux phénomènes dits "paranormaux".
Cela suffit largement pour être décrédibilisé aux yeux des intellectuels classiques et voir ses apparitions médiatiques cantonnées aux émissions consacrées aux phénomènes paranormaux, que personne de « sérieux » n'oserait regarder.
Le père Brune est pourtant l'auteur de nombreux ouvrages de théologie de haut niveaux, dont une véritable thèse (qui sera, elle aussi, republiée par le même éditeur) " Pour que l'homme devienne Dieu" inspirée de la fameuse phrase de Saint Augustin "Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu".
Si beaucoup peuvent se réjouir que, dans ses ouvrages, le père Brune combatte la déviation abominable du christianisme qui a consisté pendant des siècles à affirmer que le sacrifice du Christ sur la Croix et les intercessions de la Vierge Marie avaient pour but de calmer "la colère de Dieu " contre les hommes, étant donné l'importance de leurs péchés, le père Brune commet dans ses ouvrages deux "crimes" qui lui retirent à jamais toute chance d'être soutenu par la « génération Jean Paul II », la branche la plus active de l’Église catholique suivant la ligne classique.
Le premier consiste à ne pas accepter en bloc le « package », c'est-à-dire l'ensemble des dogmes professés par l’Église, auxquels il serait obligatoire de croire. Le père Brune refuse de mettre sa liberté de penser sous l'éteignoir, à l’inverse de son vieux professeur de séminaire qui lui disait " Il vaut mieux avoir tort avec le Pape que raison contre lui". Il nous montre comment si l'on suit la théologie classique de l’Eglise, entre autres sur la question du salut, on arrive immédiatement à des absurdités.
L'enfant qui meurt quelques minutes après sa naissance et qui a la chance d'être baptisé va au Paradis. Mais si le prêtre, retardé par un embouteillage arrive 5 minutes trop tard, l'enfant sera à jamais « stocké » dans les limbes, dont un prêtre traditionaliste m'a dit un jour qu'elles étaient par rapport au Paradis comme un puits de mine par rapport à la surface de la Terre, mais que les âmes innocentes qui y vivaient ne souffraient pas de leur situation, car elles n'avaient pas conscience de l’existence d'un monde meilleur ![1]
Plus grave encore, le père Brune remet profondément en cause toute la synthèse thomiste qui est à la base même de l'enseignement officiel de l'Eglise Catholique depuis plusieurs siècles. Il l'accuse d'avoir déspiritualisé le christianisme, d'avoir trahi son esprit et d'avoir ouvert la porte à ce qui deviendra le matérialisme triomphant de la modernité.
Au vu de ce dernier point, on se doute que le père Brune est également à l’opposé des chrétiens modernistes qui, en réaction contre les excès de l'Eglise, ont adopté une forme de matérialisme chrétien, dans lequel, par exemple, la résurrection du Christ se produit dans l’expérience collective que les apôtres ont de lui. Une façon polie de dire que ce n'est pas un phénomène réel, comme tout autre phénomène miraculeux décrit dans les Evangiles.
Ainsi du point de vue des leaders d'opinion, le père Brune est dans une solitude abyssale. Il ne peut compter ni sur l’Eglise catholique fidèle à Rome, ni sur l'Eglise catholique opposée à Rome, ni sur les intellectuels en vue, qui sont prêts à discuter avec un prêtre à condition que celui-ci n’arrive pas avec "l'au-delà" en bandoulière.
Mais le père Brune peut compter sur les millions de personnes qui ne se satisfont ni du matérialisme ambiant, ni du dogmatisme de certaines approches religieuses. Des dizaines de milliers d'entre eux, voire des centaines, ont déjà lu ses livres.
Le père Brune traite ici d'une des questions les plus fondamentales qui soit: Pourquoi Dieu a- t-il crée l'homme? La réponse que donne le père Brune peut surprendre, puisque dans le cadre de tous les monothéismes, il existe une distinction nette entre le Créateur et la créature. Dieu nous a crée pour que nous répondions à son amour et que nous l'aimions de telle façon que comme dans un couple particulièrement amoureux, nous devenions un avec lui. Deux dans un seul corps, comme le dit Touka un mystique hindou, cité au chapitre XIII.
Il ne s'agit donc pas de voir Dieu dans un quelconque paradis, mais de faire un avec Lui. Cet amour de Dieu auquel l'homme doit répondre est forcément discret. Dans une très belle parabole, il est comparé à l'amour d'un prince pour une mendiante. Celui-ci ne peut en aucun cas venir lui demander sa main avec ses habits royaux dans un splendide carrosse. Comment pourrait-il alors être sûr qu'elle l’aime pour lui-même ? C'est donc en mendiant qu'il se présentera et elle le repoussera maintes fois avant de tomber amoureuse de lui et qu’il lui révèle alors sa véritable nature.
C'est ainsi que nous devons chercher Dieu et répondre à son amour sans avoir, comme la mendiante, la moindre garantie d'un avenir radieux, pour que notre démarche reste désintéressée. De nombreux mystiques chrétiens mais aussi soufis musulmans et des hindous, ont vécu cette union à Dieu comme en témoigne les citations rassemblées dans cet ouvrage.
Et si cet ouvrage montre certaines convergences (et également des différences) dans les approches des grandes religions, le père Brune est et reste fondamentalement chrétien. C'est donc dans le Christ et à travers lui que peut se produire cette union à Dieu, que l'on soit juif, musulman, chrétien ou même sans religion particulière.
Le Christ est comme le pont qui permet de passer de ce monde à Dieu, et cela pour tous les hommes, quelque soit leur religion. Mais pour comprendre cela, il faut introduire deux notions importantes des nouveaux paradigmes scientifiques: l'hologramme et la non-séparabilité.
L'une des forces du père Brune c'est que, s'il n'est pas un scientifique, il suit de très près le développement des nouveaux concepts dans ce domaine, et cite de nombreux pionniers de la physique quantique.
Lorsque vous prenez un objet en photo avec la technique de l’hologramme, vous obtenez une plaque dite holographique sur laquelle on distingue non une image, mais un entrelacis de lignes. Si vous coupez la plaque en deux et en remettez une moitié dans l’appareil, vous obtiendrez encore une image complète de l’objet photographié et non de la moitié de l’objet comme avec une photo normale. Et cela reste vrai même pour des morceaux de plus en plus petits de la plaque (mais la définition de l’image sera de moins en moins bonne).
La non-séparabilité entre deux particules démontrée expérimentalement par Alain Aspect en 1982, est une connexion qui relie deux particules en s’affranchissant du temps et de l’espace.
Comment concevoir que l’on puisse être à la fois une partie d’un système et sa totalité ? Qu’on puisse être vraiment un homme et vraiment Dieu ? Le problème de l’incarnation et du statut du Christ n’est pas seulement une énigme, voire une absurdité pour les non chrétiens, mais il a été source de bien des divisions, des schismes et des débats à l’intérieur du christianisme.
La métaphore de l’hologramme, même s’il elle n’est qu’une métaphore, permet enfin de conceptualiser cela. Quand le Christ dit à la fois « Qui m’a vu a vu le Père » ( Jean 14,9), et « Le Père est plus grand que moi » (Jean 14,28), il faut comprendre : je suis porteur de la totalité de l’information du système, tout en n’étant qu’une partie de celui-ci.
Mais le père Brune ne s’arrête pas là, il voit un double hologramme dans les relations entre le Père, le Christ et l’humanité. Car Jésus a prié le Père pour que ses disciples soient un comme le Père et lui sont un (Jean 17, 21-22). C’est là une des affirmations les plus étonnantes pour un esprit moderne de cet ouvrage, mais dont le père Brune nous montre qu’elle a été défendue par de très nombreux pères de l’Eglise. Elle était une idée classique à l’origine du christianisme : tout ayant été créé dans le Christ, le Christ est en nous, dans notre main, dans notre pied, non pas que notre main soit la main du Christ, ou notre pied, le pied du Christ, mais que le Christ tout entier, toujours selon le principe de l’hologramme, soit contenu dans notre main ou dans notre pied.
C’est ce double hologramme, celui qui nous relie au Christ et celui qui relie le Christ à Dieu qui explique que l’homme puisse bel et bien devenir Dieu quand il répond à l’amour de celui-ci pour sa créature. Mais une des conséquences de ce système, c’est que tous les hommes sont reliés et que toutes nos actions impactent non seulement notre destinée ( le Karma individuel des hindous), mais aussi celle de toute l’humanité et même de tout l’univers. C’est une généralisation du fameux concept chrétien de la Communion des Saints, si bien résumé par Sainte-Thérèse de Lisieux «une âme qui s’élève élève le monde » (et vice et versa faut il, hélas, rajouter).
Il y a donc une véritable non-séparabilté entre tous les êtres humains, et cela au-delà de l’espace, mais aussi au-delà du temps. Le père Brune cite de nombreux théologiens et mystiques ayant soutenus une telle conception de ce que l’on pourrait appeler un Karma collectif de l’humanité (d’où le lien avec le titre) mais la citation la plus étonnante est celle de Virgil Gheorghiu, justement parce qu’il s’agit d’un homme du XXe siècle : « L’histoire du monde fait partie intégrante, inséparable, de la vie personnelle de chaque individu, de tout chrétien. La vie d’un homme ne peut pas être localisée dans un seul espace, dans un seul temps. Pour faire la biographie d’un homme, il faut commencer par abolir les notions de temps et d’espace, qui séparent.
Tout chrétien est contemporain du premier homme et de tous les hommes de tous les temps et de toutes les terres habités. Aucun chrétien n’est seul au monde. Un chrétien vit dans tous les temps présents, passés et futurs, simultanément, et partout où il y a des hommes »
Et ceci est vrai non seulement pour les chrétiens, mais pour tous les hommes, nous dit le père Brune. On voit ainsi le prodigieux changement de perspective qu’apporte une telle conception d’une co-responsabilité de tous les hommes au destin de l’humanité. Cela éclaire d’un jour nouveau des problèmes comme celui du mal, de l’existence du diable ou du péché originel. Ainsi le diable n’est pas une personne, mais un « égrégore » ayant atteint un certain niveau de conscience. Ce sont les émanations du mental humain, quand elles sont mauvaises qui arrivent à condenser et à créer une telle force. Comme le temps et l’espace n’ont rien à voir dans cette histoire, il ne faut nullement s’étonner que Satan existe avant l’homme, même s’il est le fruit des déviations humaines. Néanmoins, il ne saurait être éternel, car seul Dieu peut créer et justement Dieu n’a pas créé le mal. Il a créé une créature vraiment libre, c’est-à-dire capable de faire le bien ou le mal. Et que personne, même pas Dieu, ne peut empêcher de faire le mal, s’il le désire vraiment, avec les conséquences négatives que cela implique pour toute l’humanité.
Dans le monothéisme et tout particulièrement dans le christianisme, le salut de l’homme ne dépend pas uniquement de ses propres efforts, mais aussi de la prière et des efforts des autres. Le père Brune note que cette idée de l’aide à la prise en charge d’un karma, même si elle est très minoritaire dans les religions de l’Asie, est néanmoins présente, entre autres avec la notion de bodhisattva, ce qui ouvre la voie à un dialogue Orient-Occident.
Certains pourront être rebutés ou freinés par quelques naïvetés présentes dans l’ouvrage, par une invocation régulière de messages reçus de l’au-delà et de phénomènes dits paranormaux. Mais tout ceci ne constitue nullement la thèse centrale de l’ouvrage, simplement des allégations susceptibles de la renforcer et que l’on peut accepter ou non. Car sur le fond, il s’agit d’un ouvrage traitant de la question la plus essentielle qui soit : pourquoi le monde existe-t-il , et quelle est la destinée de l’esprit humain ?
La réponse qui y est apportée est à la fois novatrice, tout en rejoignant de nombreuses conceptions et intuitions de mystiques, telle cette fameuse parole attribuée à Dieu dans l’Islam : « J’étais un trésor caché et j’ai désiré être connu»
La synthèse présentée ici, ouverte au dialogue interreligieux, est particulièrement originale en ce qu’elle est profondément chrétienne tout en s’écartant des diverses voix classiques, modernistes ou traditionalistes qui dominent actuellement le christianisme occidental. Cela fait du père Brune l’un des prêtres catholiques vivants dont les travaux sont des plus importants, et de cet ouvrage, dont il faut saluer la troisième réédition (chacune chez des éditeurs différents), un ouvrage phare pour tous ceux qui cherchent les lumières de la spiritualité ( pas les autres « lumières »!) dans les ténèbres du matérialisme contemporain.
[1] Depuis peu il n’est plus obligatoire de croire aux limbes, du coup le Catéchisme de l’Eglise Catholique ne sait plus trop ce qui arrive aux enfants morts sans baptême : il y est dit…que l’on peu espérer que Dieu trouvera une solution pour eux !