Pourquoi je ne suis pas collapsologue
Connaissez-vous la collapsologie? Ce terme a été inventé par Pablo Servigne et son co-auteur Raphaël Stevens dans leur ouvrage Pourquoi tout peut s'effondrer (Seuil, 2015). La collapsologie, c'est très simple : c'est le moment où il n'y a plus d'eau dans le robinet quand vous l'ouvrez, plus de lumière quand vous appuyez sur l'interrupteur, plus de nourriture dans les supermarchés (soit qu'ils aient été pillés, soit qu'ils ne soient plus approvisionnés) et bien sûr, dans une telle situation, on peut imaginer que la sécurité des biens et des personnes ne sera plus du tout garantie. Certes, cela n'est nullement absurde - j'ai moi-même écrit (Les Clés du Futur, p. 196): "au moment où j'écris cette page, le monde fonctionne encore normalement. Les entreprises continuent de produire, les distributeurs de billets de fonctionner et les lampes de s'allumer quand on appuie sur l'interrupteur. J'espère de tout coeur qu'il en sera de même au moment où vous lirez ce livre, mais cela n'est nullement certain. Nous sommes passés très près d'un effondrement général du système en 2008, et si celui-ci a pu être rafistolé, les solutions adoptées dans l'urgence ne sont à l'évidence que provisoires. La ruine physique du système menace et, uniquement à cause de cela, on peut déjà en conclure que toute la théorie économique, sur laquelle reposait cette prospérité dont nous sommes si fiers, est à repenser."
La question ne concerne pas la possibilité de l'effondrement, sur laquelle tout le monde est d'accord, mais sa probabilité. Sans vouloir rentrer dans les détails, qui mériteraient de vrais débats, voici en 8 points rapides pourquoi je ne suis pas collapsologue :
1. Parce que j'en ai vraiment assez d'entendre prêcher partout, dans tous les médias, et à tout bout de champ, "l'évangile réchauffiste".
Certes, depuis 2015 nous avons connu successivement les trois et peut-être bientôt les quatre années les plus chaudes de toute l'histoire de la planète. Aussi, même quelqu'un comme moi, qui a fait un travail de fond sur la désinformation des « réchauffistes »[1], est le premier à dire que l’origine humaine du réchauffement climatique est désormais envisageable, car je veux - contrairement à mes adversaires - essayer d'être intellectuellement honnête. Je note qu'un certain nombre de scientifiques, comme le physicien François Gervais, auteur de L'urgence climatique est un leurre[2] peuvent encore affirmer qu'il n'y a pas de réchauffement climatique, car la forte poussée des températures que nous venons de constater est, d'après lui, entièrement due à un énorme El Nino, le plus fort jamais enregistré, qui a eu lieu en 2015-2016, et le fait qu'il n'a pas été suivi, contrairement à d'habitude, par un événement froid, la Nina, ou plutôt que la Nina de 2017-2018 a été hyper-faible. Il faudrait noter que la plupart des climatologues pro-GIEC ont reconnu, quand ils parlent de l'augmentation de la température récente, ce fait concernant El Nino.
J'ai un sentiment profond qui m'anime, c'est que des gens qui mentent autant, et pas seulement par omission, qui désinforment autant le grand public, ne peuvent pas avoir raison. C'est peut-être très naïf, mais c'est la conséquence d’une certaine foi en la justice divine. Il me semble que Dieu ne peut pas laisser des menteurs aussi pathologiques avoir finalement raison. En dehors de toutes ces désinformations que je ne peux pas lister ici et qui sont décrites dans mon livre La science en otage, notons que pendant 15 ans les plus malhonnêtes disaient "le plateau du réchauffement ? Mais quel plateau ? Cela n'existe pas[3]". Et quant à ceux qui reconnaissaient son existence, ils l'évacuaient d'un revers de main en disant : "on ne peut pas juger de l'évolution du climat sur 15 ans, c'est une période beaucoup trop courte". Ce sont les mêmes qui utilisent l'évolution du climat sur 3 ans pour nous affirmer à longueur de journée que le réchauffement climatique est désormais une certitude absolue et que ceux qui disent le contraire sont au mieux d'abominables ringards, au pire de véritables révisionnistes nazis.
Il y a aujourd'hui une véritable terreur dans les médias - regardez comment le responsable météo de France 2, le journaliste Philippe Verdier, a été viré en quelques jours pour avoir publié un livre climato-sceptique dans un pays qui se tague d'être un modèle historique de la liberté d'expression.
Certes, le réchauffement climatique n'est pas le seul argument des collapsologues - par exemple Pablo Servigne n'en parle même pas dans la conférence ci-dessous (consacrée à la fin du pétrole), mais c'est quand même un des faits qui revient le plus souvent dans la bouche des collapsologues quand ils veulent présenter leurs thèses.
2. Parce que la méthode Coué n'est pas totalement absurde.
On rit souvent de la méthode Coué, mais la physique quantique, ainsi que les boucles de rétroaction en théorie du chaos, nous enseignent que plus un monde est complexe, plus l'observateur agit sur l'objet observé. Certes, on peut être parfaitement et totalement optimiste, cela n'empêche pas certaines catastrophes d'arriver. Néanmoins je pense que l'état d'esprit des Chinois, qui sont persuadés que leurs enfants vivront dans un monde bien meilleur que le leur, est beaucoup plus propice pour éviter la collapsologie que l'état d'esprit souvent déprimé des Occidentaux persuadés que le futur sera moins agréable que le présent. Dans le très joli petit film Drôle de drame, Michel Simon joue le rôle d'un vieux scientifique botaniste qui gagne en réalité sa vie en écrivant des romans policiers remplis de descriptions de crimes odieux. Quand cette double vie génère pour lui et sa femme des complications, celle-ci répète en boucle cette phrase qui m'a marqué : "à force d'écrire des choses horribles, les choses horribles finissent par arriver !". Certes, sombrer dans un optimisme béat n'est pas une attitude très rationnelle et je ne la recommande certainement pas. Néanmoins, il me semble que générer de l'angoisse de façon excessive comme le font les collapsologues est une encore moins bonne idée que de sombrer dans l'optimiste béat.
3. Parce que les Chinois n’y croient pas.
Il est très simple pour mon épouse chinoise de retrouver le moral. Pour cela il lui suffit de rentrer dans son pays et d’écouter les conversations. Comme je l’ai mentionné au point précédent les Chinois pensent que demain sera meilleur qu’aujourd’hui. Si on parlait à un Chinois de la collapsologie, il risquerait purement et simplement de mourir de rire ! « Encore un truc absurde inventé par ces décadents d’Occidentaux », penserait-il en lui-même, sans bien sûr l’exprimer ainsi, car les Chinois sont très polis. Or, les prophéties auto-réalisatrices sont très fréquentes. Si tout le monde est démoralisé et si tout le monde pense que la planète va s’effondrer, la probabilité qu’elle s’effondre est nettement plus importante. Le fait que le pays destiné à devenir d’ici 10 à 15 ans au maximum le premier pays de la planète en termes de PIB, pense que demain, malgré tous les nombreux problèmes de pollution, de surproduction industrielle, de spéculation immobilière et bien d’autres choses encore (voir le ciel bleu à Pékin est un tel événement qu’on le prend en photo quand cela arrive !), sera bien meilleur qu’aujourd’hui, est un point important à prendre en compte. S’il n’est pas impossible, comme tout est lié, qu’un effondrement général entraîne celui de la Chine, il est tout à fait possible que, comme pour l’Empire Romain, qui s’est effondré à Rome mais qui a survécu près de 1000 ans à Byzance, on assiste à un effondrement partiel de l’Occident dont la Chine sera préservée.
4. Parce que les arbres ne montent pas jusqu'au ciel.
Cet argument peut sembler bizarre puisque les collapsologues se basent justement sur le fait que les arbres ne montent pas jusqu'au ciel pour annoncer l'effondrement imminent de notre civilisation. Le petit problème, c'est qu'ils commettent au passage une erreur logique comme Pablo Servigne dans cette conférence[4]. A la 30ème minute, il nous dit que si l'on prolonge les tendances existantes depuis les années 1970, l'effondrement est certain. Mais justement, lui qui a été, comme moi, un proche d'Ilya Prigogine, et qui parle de systèmes complexes, de systémique, de la théorie du chaos, devrait savoir que dans un monde complexe, les courbes ne se prolongent jamais de façon continue. Nous pouvons donc être certains que, quoiqu'il arrive, ces courbes ne se prolongeront pas comme l’indique sa conférence à la 30ème minute, et donc une prédiction de l'effondrement basé sur l’idée que ces mêmes courbes continueraient à monter vers le ciel, avant de s'effondrer fort logiquement à cause de leur excès de croissance, est auto-contradictoire.
5. Parce que je ne veux pas me retrouver en mauvaise compagnie.
Les collapsologues sont obligés de préciser qu'ils sont collapsologues... mais tout en se désolidarisant d'un grand nombre de personnes également collapsologues comme Piero San Giorgio, Alain Soral etc. sans parler des survivalistes américains, armés jusqu'aux dents de kalachnikovs, et enterrés dans des souterrains géants dans les Montagnes Rocheuses. Ce n'est pas une blague, vous pouvez vérifier que de tels projets existent, voire pour certains ont déjà été réalisés[5].
Si on regarde l'idéologie des collapsologues, elle est d'une certaine façon inspirée par, ou liée avec, celle d'Unabomber, le célèbre terroriste Théodore Kaczynski (lui-même influencé par Jacques Ellul). Comme je l'ai montré dans le chapitre 12 de mon livre Les Clés du Futur, il y a la possibilité d'aller d'un homme aussi pacifique et respectable que Pierre Rabhi jusqu'à un terroriste ayant tué et blessé de nombreuses personnes comme Théodore Kaczynski, en passant par toute une série d'étapes intermédiaires pas très éloignées les unes des autres, de la même façon qu'on peut traverser un fleuve en sautant d'un rocher sur un autre. L'approche de Kaczynski n'est pas seulement d'annoncer un effondrement mais de le souhaiter et de s'activer pour qu'il arrive le plus vite possible[6], l'argument étant le suivant : puisque l'effondrement doit arriver un jour et qu'il sera terrible, autant qu'il arrive le plus vite possible, car il sera moins terrible pour l'humanité que celui qui pourrait arriver dans le futur. Par rapport à ce genre de raisonnement, j'avoue que celui de Gribouille qui se jette à l'eau pour éviter d'être mouillé me paraît de la plus haute intelligence.
Bref, la collapsologie et le survivalisme sont peuplés de gens pas très fréquentables.
6. Parce que l'humanité dispose de ressources et de techniques inexploitées dont certaines fonctionnent déjà et dont le test des autres est prometteur.
Ici il s'agit de lire par exemple le nouvel ouvrage de Gunter Pauli Soyons aussi intelligents que la nature[7] pour s'injecter un véritable shoot d'énergie et d'optimiste, susceptible de balayer les nuages noirs de l'effondrement collapsologique. Par exemple, on peut faire suffisamment de protéine pour tous les habitants de la terre en cultivant sur quelques mètres de hauteur des algues au large des côtes sur un territoire représentant les deux tiers de la surface de la France. Certes, ensemencer et cultiver des algues sur un territoire grand comme les deux tiers de la France n'est pas facile et ne va pas se faire du jour au lendemain. Mais quand on regarde la taille des côtes sur notre planète, cela peut se faire sans l'ombre d'une difficulté surtout si, à cause de l'urgence, on s'y met au plan international. Bien entendu, on pourrait m'objecter que nous ne prenons pas aujourd'hui le chemin d'appliquer massivement de telles solutions, mais ce qui importe, c'est que de telles solutions existent et que, comme on le sait, l'homme ne réagissant bien que lorsqu'il est poussé par l'urgence, on peut espérer qu'elles seront à notre disposition et appliquées massivement au moment où il est clair que notre survie en termes de civilisation en dépend.
7. Parce que des gens qui se sont toujours trompés peuvent encore se tromper.
Certes, cet argument est limité - mon père aimait à citer ce proverbe en letton : « même une poule aveugle ramasse parfois une graine » (en France on dirait : même une horloge cassée donne l’heure deux fois par jour). Prenons le cas de Jean-Marc Jancovici, qui avec Alain Grandjean, a sorti en 2009 un ouvrage Trois ans pour sauver la planète. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'était excessivement alarmiste. Je suis prêt à parier que les conclusions rapportées par Piero San Giorgio dans cette vidéo,[8] selon laquelle un institut américain prédit une chute de 30% de la population française et de 80% de la population américaine dans 7 ans, seront aussi fausses que les affirmations de Jancovici et Grandjean. A noter que Jancovici travaille sur le Shift Project et qu'il a près de lui Matthieu Auzanneau dont j'ai souvent consulté le blog Oil Man sur le site du Monde, sous le titre "chronique du début de la fin du pétrole". Quand j'ai commencé à le suivre, il nous disait que le pic pétrolier avait déjà été franchi, probablement vers 2006-2010. Petit problème - avec l'arrivée du pétrole de schiste, la production a explosé au lieu de diminuer. Certes, le pétrole de schiste n'est pas durable et le pétrole des sables bitumineux du Canada est extrêmement polluant, mais les nombreux pronostics faits par Matthieu Auzanneau sur le site du Monde, qui peuvent se relire aujourd'hui, comme ceux de Jean-Marc Jancovici, nous montrent que pour l'instant ces gens-là se sont toujours trompés. Certes, un jour il n'y aura plus de pétrole et un jour notre civilisation connaîtra une catastrophe globale. Toute la question est de savoir si, à cause de cette possibilité, il faut dès maintenant arrêter de vivre comme nous vivons. Personnellement j'aurais beaucoup plus tendance à suivre ce que dit un Nouriel Roubini, qui avait prévu en 12 points la crise de 2007-2008 dont 11 se sont réalisés, que tous les prophètes de malheur collapsologistes, qu'ils soient fréquentables ou non.
8. Parce que je suis un homme, tout simplement.[9]
Parce que j'appartiens à l'espèce humaine, celle qui a inventé le feu et l'écriture, celle qui a généré des Léonard de Vinci, des Thomas Edison et des Steve Jobs, celle qui a été capable d'utiliser et même de maîtriser (au moins en grande partie) le feu nucléaire, de mettre le pied sur la lune et de le mettre demain sur Mars.[10] Cela veut dire que, même sans attendre des sauveurs ou des génies exceptionnels comme ceux auxquels nous avons fait allusion, l'humanité dispose d'une créativité et d'une capacité qui peuvent surmonter des problèmes encore plus grands que ceux qu'imaginent nos collapsologues. Dans la conférence ci-dessus, Pablo Servigne fait mention de l'énorme problème que représentait à la fin du 19ème siècle le crottin de cheval qui encombrait les rues de Paris au point (il ne le dit pas) qu'en prolongeant les fameuses courbes, on expliquait que la vie à Paris ne serait plus possible après 1920. Sauf que bien avant 1920, on a inventé l'automobile... Aujourd'hui quand on nous parle de la pollution des villes, on peut donc avoir un sourire en coin, car ceux qui se souviennent du crottin de cheval savent que les voitures de demain qui non seulement ne pollueront pas, mais qui vont dépolluer l'air de la ville en roulant sont déjà en test.
Certes, c'est un pari, un pari sur la créativité et l'intelligence humaine, mais c'est un pari qui paraît plus raisonnable que celui des collapsologues!
Conclusion
Le pire n'est jamais sûr, mais il n'est pas totalement exclu. Doit-on pourtant tout changer dans sa vie ? Doit-on se mettre de toute urgence à apprendre à cultiver des salades sur son balcon, à faire son pain et à produire son énergie ? Si cela vous chante, si cela vous intéresse et que vous n'avez rien de meilleur à faire dans votre vie, ce sont de très bonnes initiatives. Mais il y a des millions d'autres choses à faire sur Terre: nous sommes ici, non pas pour survivre, mais pour vivre, donc je pense qu'il ne faut pas plus s'inquiéter des risques de grand effondrement dont parlent les collapsologues qu'il ne faut prendre en compte la fameuse urgence climatique dont on nous rabâche les oreilles. Certes, il faut garder un oeil attentif sur ces deux domaines, mais parfois, n'en déplaise au pauvre Jean de La Fontaine, il faut admettre qu'il vaut mieux être cigale que fourmi. Et si tout s'écroule quand même, eh bien, il sera toujours temps d’aviser, chers amis, mais au moins on aura bien vécu et fait mille et une autres choses plus passionnantes que de préparer sa survie.
[1] Voir mon livre La Science en Otage, Presses de la Renaissance, 2010, chapitres 5 à 8.
[2] L'Artilleur, 2018.
[3] Sylvestre Huet, par exemple, journaliste scientifique dans Libération.
[4] https://www.youtube.com/watch?v=SqasBu0pfmk&feature=youtu.be
[5] https://www.youtube.com/watch?v=PVuazxlezLQ
[6] Lire son célèbre Manifeste ici : http://editions-hache.com/essais/pdf/kaczynski1.pdf
[7] Editions de l'Observatoire, 2018
[8] https://www.youtube.com/watch?v=xa-caGE8syE
[9] Référence au livre de Primo Levi Si c'est un homme, un exemple extraordinaire de la façon dont l’homme peut survivre dans des conditions pires encore que celles imaginées par les collapsologues.
[10] Cette anaphore est directement inspirée de celle d'Antoine de Saint-Exupéry tout à la fin de Pilote de Guerre. "Je suis d'une civilisation qui a choisi l'homme pour clé de voûte, je suis du groupe de 33 qui souhaitait combattre pour la Norvège, je suis de France."
La question ne concerne pas la possibilité de l'effondrement, sur laquelle tout le monde est d'accord, mais sa probabilité. Sans vouloir rentrer dans les détails, qui mériteraient de vrais débats, voici en 8 points rapides pourquoi je ne suis pas collapsologue :
1. Parce que j'en ai vraiment assez d'entendre prêcher partout, dans tous les médias, et à tout bout de champ, "l'évangile réchauffiste".
Certes, depuis 2015 nous avons connu successivement les trois et peut-être bientôt les quatre années les plus chaudes de toute l'histoire de la planète. Aussi, même quelqu'un comme moi, qui a fait un travail de fond sur la désinformation des « réchauffistes »[1], est le premier à dire que l’origine humaine du réchauffement climatique est désormais envisageable, car je veux - contrairement à mes adversaires - essayer d'être intellectuellement honnête. Je note qu'un certain nombre de scientifiques, comme le physicien François Gervais, auteur de L'urgence climatique est un leurre[2] peuvent encore affirmer qu'il n'y a pas de réchauffement climatique, car la forte poussée des températures que nous venons de constater est, d'après lui, entièrement due à un énorme El Nino, le plus fort jamais enregistré, qui a eu lieu en 2015-2016, et le fait qu'il n'a pas été suivi, contrairement à d'habitude, par un événement froid, la Nina, ou plutôt que la Nina de 2017-2018 a été hyper-faible. Il faudrait noter que la plupart des climatologues pro-GIEC ont reconnu, quand ils parlent de l'augmentation de la température récente, ce fait concernant El Nino.
J'ai un sentiment profond qui m'anime, c'est que des gens qui mentent autant, et pas seulement par omission, qui désinforment autant le grand public, ne peuvent pas avoir raison. C'est peut-être très naïf, mais c'est la conséquence d’une certaine foi en la justice divine. Il me semble que Dieu ne peut pas laisser des menteurs aussi pathologiques avoir finalement raison. En dehors de toutes ces désinformations que je ne peux pas lister ici et qui sont décrites dans mon livre La science en otage, notons que pendant 15 ans les plus malhonnêtes disaient "le plateau du réchauffement ? Mais quel plateau ? Cela n'existe pas[3]". Et quant à ceux qui reconnaissaient son existence, ils l'évacuaient d'un revers de main en disant : "on ne peut pas juger de l'évolution du climat sur 15 ans, c'est une période beaucoup trop courte". Ce sont les mêmes qui utilisent l'évolution du climat sur 3 ans pour nous affirmer à longueur de journée que le réchauffement climatique est désormais une certitude absolue et que ceux qui disent le contraire sont au mieux d'abominables ringards, au pire de véritables révisionnistes nazis.
Il y a aujourd'hui une véritable terreur dans les médias - regardez comment le responsable météo de France 2, le journaliste Philippe Verdier, a été viré en quelques jours pour avoir publié un livre climato-sceptique dans un pays qui se tague d'être un modèle historique de la liberté d'expression.
Certes, le réchauffement climatique n'est pas le seul argument des collapsologues - par exemple Pablo Servigne n'en parle même pas dans la conférence ci-dessous (consacrée à la fin du pétrole), mais c'est quand même un des faits qui revient le plus souvent dans la bouche des collapsologues quand ils veulent présenter leurs thèses.
2. Parce que la méthode Coué n'est pas totalement absurde.
On rit souvent de la méthode Coué, mais la physique quantique, ainsi que les boucles de rétroaction en théorie du chaos, nous enseignent que plus un monde est complexe, plus l'observateur agit sur l'objet observé. Certes, on peut être parfaitement et totalement optimiste, cela n'empêche pas certaines catastrophes d'arriver. Néanmoins je pense que l'état d'esprit des Chinois, qui sont persuadés que leurs enfants vivront dans un monde bien meilleur que le leur, est beaucoup plus propice pour éviter la collapsologie que l'état d'esprit souvent déprimé des Occidentaux persuadés que le futur sera moins agréable que le présent. Dans le très joli petit film Drôle de drame, Michel Simon joue le rôle d'un vieux scientifique botaniste qui gagne en réalité sa vie en écrivant des romans policiers remplis de descriptions de crimes odieux. Quand cette double vie génère pour lui et sa femme des complications, celle-ci répète en boucle cette phrase qui m'a marqué : "à force d'écrire des choses horribles, les choses horribles finissent par arriver !". Certes, sombrer dans un optimisme béat n'est pas une attitude très rationnelle et je ne la recommande certainement pas. Néanmoins, il me semble que générer de l'angoisse de façon excessive comme le font les collapsologues est une encore moins bonne idée que de sombrer dans l'optimiste béat.
3. Parce que les Chinois n’y croient pas.
Il est très simple pour mon épouse chinoise de retrouver le moral. Pour cela il lui suffit de rentrer dans son pays et d’écouter les conversations. Comme je l’ai mentionné au point précédent les Chinois pensent que demain sera meilleur qu’aujourd’hui. Si on parlait à un Chinois de la collapsologie, il risquerait purement et simplement de mourir de rire ! « Encore un truc absurde inventé par ces décadents d’Occidentaux », penserait-il en lui-même, sans bien sûr l’exprimer ainsi, car les Chinois sont très polis. Or, les prophéties auto-réalisatrices sont très fréquentes. Si tout le monde est démoralisé et si tout le monde pense que la planète va s’effondrer, la probabilité qu’elle s’effondre est nettement plus importante. Le fait que le pays destiné à devenir d’ici 10 à 15 ans au maximum le premier pays de la planète en termes de PIB, pense que demain, malgré tous les nombreux problèmes de pollution, de surproduction industrielle, de spéculation immobilière et bien d’autres choses encore (voir le ciel bleu à Pékin est un tel événement qu’on le prend en photo quand cela arrive !), sera bien meilleur qu’aujourd’hui, est un point important à prendre en compte. S’il n’est pas impossible, comme tout est lié, qu’un effondrement général entraîne celui de la Chine, il est tout à fait possible que, comme pour l’Empire Romain, qui s’est effondré à Rome mais qui a survécu près de 1000 ans à Byzance, on assiste à un effondrement partiel de l’Occident dont la Chine sera préservée.
4. Parce que les arbres ne montent pas jusqu'au ciel.
Cet argument peut sembler bizarre puisque les collapsologues se basent justement sur le fait que les arbres ne montent pas jusqu'au ciel pour annoncer l'effondrement imminent de notre civilisation. Le petit problème, c'est qu'ils commettent au passage une erreur logique comme Pablo Servigne dans cette conférence[4]. A la 30ème minute, il nous dit que si l'on prolonge les tendances existantes depuis les années 1970, l'effondrement est certain. Mais justement, lui qui a été, comme moi, un proche d'Ilya Prigogine, et qui parle de systèmes complexes, de systémique, de la théorie du chaos, devrait savoir que dans un monde complexe, les courbes ne se prolongent jamais de façon continue. Nous pouvons donc être certains que, quoiqu'il arrive, ces courbes ne se prolongeront pas comme l’indique sa conférence à la 30ème minute, et donc une prédiction de l'effondrement basé sur l’idée que ces mêmes courbes continueraient à monter vers le ciel, avant de s'effondrer fort logiquement à cause de leur excès de croissance, est auto-contradictoire.
5. Parce que je ne veux pas me retrouver en mauvaise compagnie.
Les collapsologues sont obligés de préciser qu'ils sont collapsologues... mais tout en se désolidarisant d'un grand nombre de personnes également collapsologues comme Piero San Giorgio, Alain Soral etc. sans parler des survivalistes américains, armés jusqu'aux dents de kalachnikovs, et enterrés dans des souterrains géants dans les Montagnes Rocheuses. Ce n'est pas une blague, vous pouvez vérifier que de tels projets existent, voire pour certains ont déjà été réalisés[5].
Si on regarde l'idéologie des collapsologues, elle est d'une certaine façon inspirée par, ou liée avec, celle d'Unabomber, le célèbre terroriste Théodore Kaczynski (lui-même influencé par Jacques Ellul). Comme je l'ai montré dans le chapitre 12 de mon livre Les Clés du Futur, il y a la possibilité d'aller d'un homme aussi pacifique et respectable que Pierre Rabhi jusqu'à un terroriste ayant tué et blessé de nombreuses personnes comme Théodore Kaczynski, en passant par toute une série d'étapes intermédiaires pas très éloignées les unes des autres, de la même façon qu'on peut traverser un fleuve en sautant d'un rocher sur un autre. L'approche de Kaczynski n'est pas seulement d'annoncer un effondrement mais de le souhaiter et de s'activer pour qu'il arrive le plus vite possible[6], l'argument étant le suivant : puisque l'effondrement doit arriver un jour et qu'il sera terrible, autant qu'il arrive le plus vite possible, car il sera moins terrible pour l'humanité que celui qui pourrait arriver dans le futur. Par rapport à ce genre de raisonnement, j'avoue que celui de Gribouille qui se jette à l'eau pour éviter d'être mouillé me paraît de la plus haute intelligence.
Bref, la collapsologie et le survivalisme sont peuplés de gens pas très fréquentables.
6. Parce que l'humanité dispose de ressources et de techniques inexploitées dont certaines fonctionnent déjà et dont le test des autres est prometteur.
Ici il s'agit de lire par exemple le nouvel ouvrage de Gunter Pauli Soyons aussi intelligents que la nature[7] pour s'injecter un véritable shoot d'énergie et d'optimiste, susceptible de balayer les nuages noirs de l'effondrement collapsologique. Par exemple, on peut faire suffisamment de protéine pour tous les habitants de la terre en cultivant sur quelques mètres de hauteur des algues au large des côtes sur un territoire représentant les deux tiers de la surface de la France. Certes, ensemencer et cultiver des algues sur un territoire grand comme les deux tiers de la France n'est pas facile et ne va pas se faire du jour au lendemain. Mais quand on regarde la taille des côtes sur notre planète, cela peut se faire sans l'ombre d'une difficulté surtout si, à cause de l'urgence, on s'y met au plan international. Bien entendu, on pourrait m'objecter que nous ne prenons pas aujourd'hui le chemin d'appliquer massivement de telles solutions, mais ce qui importe, c'est que de telles solutions existent et que, comme on le sait, l'homme ne réagissant bien que lorsqu'il est poussé par l'urgence, on peut espérer qu'elles seront à notre disposition et appliquées massivement au moment où il est clair que notre survie en termes de civilisation en dépend.
7. Parce que des gens qui se sont toujours trompés peuvent encore se tromper.
Certes, cet argument est limité - mon père aimait à citer ce proverbe en letton : « même une poule aveugle ramasse parfois une graine » (en France on dirait : même une horloge cassée donne l’heure deux fois par jour). Prenons le cas de Jean-Marc Jancovici, qui avec Alain Grandjean, a sorti en 2009 un ouvrage Trois ans pour sauver la planète. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'était excessivement alarmiste. Je suis prêt à parier que les conclusions rapportées par Piero San Giorgio dans cette vidéo,[8] selon laquelle un institut américain prédit une chute de 30% de la population française et de 80% de la population américaine dans 7 ans, seront aussi fausses que les affirmations de Jancovici et Grandjean. A noter que Jancovici travaille sur le Shift Project et qu'il a près de lui Matthieu Auzanneau dont j'ai souvent consulté le blog Oil Man sur le site du Monde, sous le titre "chronique du début de la fin du pétrole". Quand j'ai commencé à le suivre, il nous disait que le pic pétrolier avait déjà été franchi, probablement vers 2006-2010. Petit problème - avec l'arrivée du pétrole de schiste, la production a explosé au lieu de diminuer. Certes, le pétrole de schiste n'est pas durable et le pétrole des sables bitumineux du Canada est extrêmement polluant, mais les nombreux pronostics faits par Matthieu Auzanneau sur le site du Monde, qui peuvent se relire aujourd'hui, comme ceux de Jean-Marc Jancovici, nous montrent que pour l'instant ces gens-là se sont toujours trompés. Certes, un jour il n'y aura plus de pétrole et un jour notre civilisation connaîtra une catastrophe globale. Toute la question est de savoir si, à cause de cette possibilité, il faut dès maintenant arrêter de vivre comme nous vivons. Personnellement j'aurais beaucoup plus tendance à suivre ce que dit un Nouriel Roubini, qui avait prévu en 12 points la crise de 2007-2008 dont 11 se sont réalisés, que tous les prophètes de malheur collapsologistes, qu'ils soient fréquentables ou non.
8. Parce que je suis un homme, tout simplement.[9]
Parce que j'appartiens à l'espèce humaine, celle qui a inventé le feu et l'écriture, celle qui a généré des Léonard de Vinci, des Thomas Edison et des Steve Jobs, celle qui a été capable d'utiliser et même de maîtriser (au moins en grande partie) le feu nucléaire, de mettre le pied sur la lune et de le mettre demain sur Mars.[10] Cela veut dire que, même sans attendre des sauveurs ou des génies exceptionnels comme ceux auxquels nous avons fait allusion, l'humanité dispose d'une créativité et d'une capacité qui peuvent surmonter des problèmes encore plus grands que ceux qu'imaginent nos collapsologues. Dans la conférence ci-dessus, Pablo Servigne fait mention de l'énorme problème que représentait à la fin du 19ème siècle le crottin de cheval qui encombrait les rues de Paris au point (il ne le dit pas) qu'en prolongeant les fameuses courbes, on expliquait que la vie à Paris ne serait plus possible après 1920. Sauf que bien avant 1920, on a inventé l'automobile... Aujourd'hui quand on nous parle de la pollution des villes, on peut donc avoir un sourire en coin, car ceux qui se souviennent du crottin de cheval savent que les voitures de demain qui non seulement ne pollueront pas, mais qui vont dépolluer l'air de la ville en roulant sont déjà en test.
Certes, c'est un pari, un pari sur la créativité et l'intelligence humaine, mais c'est un pari qui paraît plus raisonnable que celui des collapsologues!
Conclusion
Le pire n'est jamais sûr, mais il n'est pas totalement exclu. Doit-on pourtant tout changer dans sa vie ? Doit-on se mettre de toute urgence à apprendre à cultiver des salades sur son balcon, à faire son pain et à produire son énergie ? Si cela vous chante, si cela vous intéresse et que vous n'avez rien de meilleur à faire dans votre vie, ce sont de très bonnes initiatives. Mais il y a des millions d'autres choses à faire sur Terre: nous sommes ici, non pas pour survivre, mais pour vivre, donc je pense qu'il ne faut pas plus s'inquiéter des risques de grand effondrement dont parlent les collapsologues qu'il ne faut prendre en compte la fameuse urgence climatique dont on nous rabâche les oreilles. Certes, il faut garder un oeil attentif sur ces deux domaines, mais parfois, n'en déplaise au pauvre Jean de La Fontaine, il faut admettre qu'il vaut mieux être cigale que fourmi. Et si tout s'écroule quand même, eh bien, il sera toujours temps d’aviser, chers amis, mais au moins on aura bien vécu et fait mille et une autres choses plus passionnantes que de préparer sa survie.
[1] Voir mon livre La Science en Otage, Presses de la Renaissance, 2010, chapitres 5 à 8.
[2] L'Artilleur, 2018.
[3] Sylvestre Huet, par exemple, journaliste scientifique dans Libération.
[4] https://www.youtube.com/watch?v=SqasBu0pfmk&feature=youtu.be
[5] https://www.youtube.com/watch?v=PVuazxlezLQ
[6] Lire son célèbre Manifeste ici : http://editions-hache.com/essais/pdf/kaczynski1.pdf
[7] Editions de l'Observatoire, 2018
[8] https://www.youtube.com/watch?v=xa-caGE8syE
[9] Référence au livre de Primo Levi Si c'est un homme, un exemple extraordinaire de la façon dont l’homme peut survivre dans des conditions pires encore que celles imaginées par les collapsologues.
[10] Cette anaphore est directement inspirée de celle d'Antoine de Saint-Exupéry tout à la fin de Pilote de Guerre. "Je suis d'une civilisation qui a choisi l'homme pour clé de voûte, je suis du groupe de 33 qui souhaitait combattre pour la Norvège, je suis de France."