La Tentation de l’Homme-Dieu de Bertrand Vergely Edition le Passeur Note de lecture par Jean Staune L’Homme-Dieu c'est celui qui, comme Edgar Allan Poe, « est révolté qu'il puisse y avoir un être supérieur à lui dans l'univers ». C’est Protagoras qui, en disant que « l'homme est la mesure de toute chose » affirme que l'homme peut décider de tout, y compris de ce qui est bien et de ce qui est mal, mais aussi Nietzsche, qui annonça « la mort de Dieu » et affirma la « volonté de puissance » de l'homme (N'oublions pas que le sous-titre original de ce projet de Nietzsche était « essai sur l’inversion de toutes les valeurs »). Au nom de la lutte contre l'oppression représentée par les religions, la modernité annonce avec jubilation que l'homme est désormais libéré des chaînes dans lesquelles Dieu l’avait emprisonné. Si les dérives de cette démarche prométhéenne sont aujourd'hui bien connues, avec le transhumanisme qui nous annonce « la mort de la mort », soit par l'intermédiaire de traitements biologiques, soit parce que les consciences des êtres humains seront téléchargées dans des robots à notre image qui nous permettront de vivre éternellement, la grande originalité de Bertrand Vergely est de regrouper des critiques de trois aspects de la modernité qui nous paraissaient constituer des champs profondément séparés les uns des autres. Cette nouvelle religion (car c’en est une, même si il s’agit d’une religion athée, un Ray Kurzweil, par exemple, nous promettant d’accéder à la « vraie » immortalité, là où les religions ne nous proposent qu’une fausse promesse d’immortalité, se posant donc directement en concurrence avec elles) du « no limit » qui nous affirme que l'homme peut faire ce qu'il veut de lui-même et de son environnement est rapprochée de notre désir d'égalité mais également de sécurité. L'auteur va nous montrer qu'il s’agit de trois faces, toutes les trois trompeuses, d'un même projet qui prétend travailler au bonheur de l'humanité et qui prépare en fait pour elle des malheurs peut-être encore supérieurs à ceux qu'elle a traversé avec les terribles totalitarismes du XXe siècle. Dès la première page du premier chapitre, il rassemble trois faits à priori sans aucun lien les uns avec les autres : - en décembre 2014 un neurochirurgien italien, Sergio Canavero, a affirmé qu'il préparait la transplantation de la tête d'un homme atteint d’une grave maladie dégénérative sur le corps d'un autre. - le 23 avril 2013 l'Assemblée nationale française a adopté la loi ouvrant la possibilité au mariage pour tous, et, à terme, aux personnes de même sexe d'adopter un enfant. - en février 2005 le Parlement solennellement réuni en congrès a inscrit le principe de précaution dans la constitution. Toute la force de l'ouvrage de Bertrand Vergely va être, en partant de ce qui apparait comme trois sommets émergés de trois icebergs différents, de nous montrer qu'il y a, caché au fond de la mer, hors de nos regards quotidiens, un socle unique qui travaille au malheur de l'humanité en prétendant faire son bonheur. Nous avons tous été atteint dans notre vie par la perte d'un être cher. Quand des parents subissent le traumatisme terrible de perdre un enfant en bas âge, ne serait-il pas formidable de pouvoir le ressusciter en le clonant ? Il y a tant de choses à faire dans la vie, si on pouvait vivre 200 ans en bonne santé pourquoi le refuser ? Mais voilà, la mort fait partie de la vie ; être immortel, nous faire remarquer Bertrand Vergely, entraînerait, par un paradoxe étonnant mais bien compréhensible, la mort de l'humanité. Si il n’y avait plus de mort, il n'y aurait plus de naissances possibles et donc il n'y aurait plus de possibilité pour l'humanité de se renouveler. Imaginons le cauchemar que représenterait une terre peuplée pour l'éternité des mêmes personnes amenée à se rencontrer encore et toujours ! La fin est nécessaire à toute chose, un livre qui n’aurait pas de fin ne pourrait simplement pas être lu. Ainsi vouloir faire disparaître la mort, c'est agir contre la vie, c'est, en voulant lutter contre la mort individuelle, favoriser une mort bien plus grande encore, une mort de ce qui constitue l'essence de l'humanité. C’est la même méthode de « retournement » que va employer Bertrand Vergely pour montrer que ceux qui, enivrés par les possibilités qui s'offrent à une civilisation où l'homme est enfin libre, n’ayant plus ni Dieu ni maître, travaillent en fait exactement à des buts opposés à ceux ils prétendent poursuivre. Prenons l'exemple de l'éducation. Il est bien sûr fondamental d'aider les élèves venant des milieux défavorisés ou moins doués à avoir le maximum de chances de progresser dans leurs cursus éducatif pour partir dans la vie active avec le meilleur bagage possible. Mais lorsque l’on interdit le redoublement, que l’on décrète qu'il faut que 85 % d'une classe d'âge obtienne le bac, lorsque l'on promet la « réussite pour tous », on lutte contre l'objectif que l'on veut atteindre. « L'école peut aider les élèves à réussir. Elle ne peut pas faire que tous réussissent. Supprimons l’écart qu’il y a entre l'aide à la réussite et la réussite pour tous : l’école s’autodétruit. Ce qui est logique. Mettons en place un système où un élève réussira de toute façon, quel que soit son niveau. N’ayant jamais connu ni vraies épreuves ni échecs, il s’écroulera à la première épreuve et au premier échec, rien ne lui ayant montré ses limites. Quand on met un tel système en place, on ne peut que créer un effet pervers augmentant la faiblesse de l'élève en difficulté au lieu de la diminuer »[1]. Nous sommes là au cœur du second point de la démonstration de Bertrand Vergely : « l'égalité pour tous » peut se retourner contre la vraie égalité et elle est un autre signe, après le refus de reconnaître nos limites biologiques, de cet orgueil démesuré de l’Homme-Dieu, car celui-ci croit pouvoir décréter l'égalité entre le travailleur et le paresseux, entre l’élève médiocre et l’élève doué, ou en affirmant, par exemple, qu’un couple de deux personnes du même sexe et un couple composé d'un homme et une femme sont équivalent. Comme partout ailleurs, là aussi on part d'un bon sentiment : pourquoi ne pas donner des droits supplémentaires à des personnes qui constituent des minorités parfois fortement persécutées (y compris, dans certaines civilisations et à certaines époques, jusqu'à la mort) pour leur orientation sexuelle ? Mais quelques soient les progrès réalisés dans les opérations « transgenre » on ne peut pas faire que deux femmes puissent avoir un enfant, ni qu'un homme, même transformé en femme puisse mettre au monde. Certes, et c'est bien là que les adeptes du « no limit » au plan biologique rencontrent les défenseurs de cette idée « d'égalité pour tous », on vous répondra que ceci n'est qu'une question de temps et que les meilleurs biologistes du transhumanisme travaillent déjà avec ardeur sur ces questions, qu’avec un peu de clonage pour les femmes, et de greffe d’utérus chez les hommes, on va remédier à ces inégalités intolérables générées par la nature. Comme dans beaucoup d'autres domaines qu’il va pointer du doigt, c'est l’expression « pour tous » qui est ici hautement critiquable, nous dit Bertrand Vergely. Il ne s'oppose pas à l'idée que la loi puisse établir un mariage spécifique pour les homosexuels. Mais aux yeux du politiquement correct actuel, cela aurait été bien trop discriminant, cela aurait « stigmatisé » une minorité. Non, l’égalité doit être absolue. Le mariage doit donc être « pour tous ». Mais tout d'abord cela est mensonger ; on a en effet (bien heureusement !) refusé à un chef tribal de Mayotte d’épouser ses six épouses alors qu’il prétendait le faire au nom du mariage « pour tous »… qui n'est donc pas totalement pour tous. Ensuite, un spécialiste de l’intelligence artificielle comme David Lévy nous prédit que, d’ici 2050, des états américains passeront des lois autorisant le mariage entre êtres humains et robots[2]. Les couples homosexuels de demain ne vont-ils pas souffrir de voir leur mariage ravalé au même niveau que celui du mariage entre l'homme et le robot, comme les couples hétérosexuels d’aujourd’hui ont pu souffrir de voir leur mariage ramené au même niveau que celui de couples homosexuels ? Ne vaudrait-il pas mieux créer dès le départ des catégories « mariage classique », « mariage homosexuel », « mariage humain-robot » avec des attributs différents (par exemple pour l’adoption, car répondre au désir d’enfant de deux hommes c’est un bien, mais c’est priver un enfant de sa mère, ce qui est créer un mal supérieur au bien que l’on veut accomplir) au lieu de vouloir tout fusionner sous la même bannière ? La « célébrité pour tous » que permet la téléréalité ne fait-elle pas rêver des millions de jeunes, ne démocratise-t-elle pas le statut de « célébrité » réservé auparavant à quelques stars mythiques d’Hollywood ? Là aussi c'est une fausse bonne idée : si tout le monde est célèbre plus personne ne sera célèbre ! La tolérance, voilà une idée merveilleuse qui constitue la base même du vivre ensemble. Mais la « tolérance pour tout » est mortifère nous démontre Bertrand Vergely, car elle porte en elle la destruction de l'idée même de vérité. Par exemple, ceux qui oseront affirmer que deux hommes ou deux femmes ce n'est pas la même chose qu'un homme et une femme, seront immédiatement taxé «d'intolérance» et au nom de cette intolérance seront stigmatisés, sommés de se taire et de sortir de l'espace public, celui des journaux télévisés, des talk shows bien-pensants et des hebdomadaires respectables. Comme le fait justement remarquer l'auteur, ces champions de la tolérance n’ont aucune tolérance pour leurs adversaires : une fois qu'ils auront coller sur leur front l'étiquette « intolérant » ils affirmeront «pas de tolérance pour les ennemis de la tolérance », devenant ainsi les dignes héritiers de Saint-Just et de ce qu'il y avait de pire dans la révolution française, avec sa fameuse proclamation « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». Quand on classe dans les ennemis de la tolérance ceux qui rappellent des vérités incontestables, les totalitarismes de la pire espèce ne sont pas très loin. La laïcité est une belle idée. Elle se trouve déjà dans la Bible, « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu[3] » et dans des traditions non occidentales comme en Chine, où les religions n'ont jamais joué de rôle politique. Mais elle est totalement dévoyée quand un responsable politique tel que Vincent Peillon, ministre de l'éducation de surcroît, déclare le 6 novembre 2013 vouloir créer une religion laïque afin de ne pas laisser au catholicisme le monopole de la religion, de la morale et de la spiritualité, violant ainsi ouvertement le principe de séparation entre l'Église et l'État. On passe ainsi d'une définition de la laïcité voulant dire « je respecte toutes les religions » à une définition de la laïcité équivalente à « je suis contre le catholicisme »[4]. En fait Bertrand Vergely retrouve la grande intuition d'Antoine de Saint-Exupéry selon lequel le principe d'égalité s’abâtardit en principe d’identité si l'on veut fonder l’égalité dans le cadre d'un humanisme matérialiste en se passant de toute forme de transcendance. « Ma civilisation est héritière des valeurs chrétiennes. Je réfléchirai sur la construction de la cathédrale, afin de mieux comprendre son architecture. La contemplation de Dieu fondait les hommes égaux parce qu’égaux en Dieu et cette égalité avait une signification claire. Car on ne peut être égaux qu’en quelque chose. Le Soldat et le capitaine sont égaux en la nation. L’égalité n’est plus qu’un mot vide de sens s’il n’est rien en quoi nouer cette égalité. (…) La démagogie s’introduit quand, faute de commune mesure, le principe d'égalité s’abâtardit en principe d'identité. Alors le soldat refuse de saluer le capitaine, car le soldat en saluant le capitaine honorerait un individu et non la Nation»[5]. Le principe de précaution paraît lui aussi être une excellente idée : ne faut-il pas forcer l'homme à penser aux conséquences de ses actes, n'est-ce pas la base même d’un comportement éthique ? Mais là aussi, comme pour la tolérance, comme pour la réussite scolaire et comme pour bien d'autres thèmes abordés par l'auteur, la généralisation de ce principe est totalement mortifère pour l'humanité. Vivre c'est prendre des risques, ne plus prendre de risques c'est ne plus vivre ! Notre environnement est de plus en plus incertain, c'est la théorie du chaos qui nous l'enseigne et cela vient renforcer la démarche de Bertrand Vergely : dans un monde où il y a de plus en plus de variables en interaction, le nombre de choses imprévisibles ne peut que croître. Mais justement, en refusant qu’il y ait quelque chose au-dessus de lui, l'Homme Dieu refuse également la notion de fatalité : tout drame doit avoir un responsable. Si un enfant se suspend à un panier de basket et que celui-ci le tue en tombant sur lui, le maire de la commune sera condamné, il n'avait qu'à vérifier la fixation de tous les panneaux de sa commune. Ce principe de précaution va de pair avec la montée du « juridisme » dans notre société. Dans mon livre « La science en otage », paru il y a plus de cinq ans, je révélais ce chiffre terrifiant : 30 % du prix des nouveaux produits aux États-Unis est constitué d'une réserve de sécurité destinée à faire face aux procès qui seront intentés contre le fabricant ! Bertrand Vergely ne connaît sans doute pas l’histoire du chat dans le four à micro-ondes qui illustre de façon particulièrement humoristique mais aussi dramatique (car il faut selon moi en pleurer plutôt qu’en rire) cette nouvelle tendance. Lors de l'arrivée des fours à micro-ondes une vieille dame américaine qui, jusque-là avait l'habitude, après l'avoir lavé, de mettre pendant 30 secondes au four son chat pour sécher ses magnifiques poils angoras, le mis dans un four à micro-ondes qui tua instantanément le pauvre animal. Elle se retourna contre le fabricant et obtint un million de dollars de dommages et intérêts, sous le prétexte que le fabricant n’avait pas mentionné sur sa notice le non usage de ces nouveaux fours pour ce type d’activité. Depuis aux États-Unis (l’Europe est encore préservée en partie de cette folie juridique, mais pour combien de temps ?) les notices de four à micro-ondes se doivent de préciser qu'il est interdit de mettre des animaux domestique dans ces fours, pour éviter aux fabricants de perdre d'autres millions de dollars. Comme le dit très bien Vergely « Descartes explique qu'il vaut mieux agir et faire des erreurs que de ne pas agir par peur de faire des erreurs. À force de nier la fatalité au nom de la responsabilité en exigeant que ceux qui agissent prévoient l'imprévisible, on renonce à agir par crainte de faire des erreurs et de se retrouver en prison. La responsabilité et le principe de précaution sont en train de tuer l'action. Hier être responsable c'était agir. Aujourd'hui être responsable c'est renoncer à agir»[6]. Prenons un dernier sujet parmi tous ceux que traitent cet ouvrage à la fois si petit et si complet : le droit de mourir dans la dignité. Là aussi nous dit l'auteur, il y a erreur sur le terme. Il ne s’agit pas de dignité mais de fierté. On ne veut pas imposer aux autres et à soi-même l'image de sa dégradation. Kant, lorsqu'il veut prendre un exemple de ce qui constitue pour lui la dignité, prend celui d'un homme qui avait des raisons de se suicider et qui justement ne le fais pas. Bertrand Vergely nous dit « il y a quelque chose d'inouï dans l'homme. Quand on a compris cela, on se doit de vivre, quelles que soient les circonstances. Aussi la dignité consiste-t-elle, non pas à mettre fin à ses jours pour conserver une certaine fierté à l’égard de soi et de son image, mais de vivre pour tâcher d'être à la hauteur de ce qui n'a pas de prix en soi. Être digne ce n'est pas être fier de soi ou avoir une image décente, mais être digne de l'homme. Cette pensée de Kant est somptueuse. Quand nous faisons de la dignité un droit, nous en sommes loin »[7]. La généralisation du droit à mourir dans la dignité qui peut conduire, comme c'est déjà le cas dans certains pays, au suicide assisté même en absence de maladie grave, peut nous amener à détruire la dignité de l'homme en banalisant son existence, en niant ce qui le fait être unique. Réclamer le droit de mourir dans la dignité c’est donc aller contre la dignité de l'homme ! Voici encore une de ces démonstrations « en retournement » réussies par Bertrand Vergely, même si on pourrait lui reprocher ici de ne pas traiter le cas de la souffrance physique extrême qui peut exister dans certains cas de demande d’euthanasie. Vouloir rendre l'homme immortel, c'est nier la réalité de la vie. Décréter égaux ceux qui ne le sont pas, c’est nier la réalité de la nature. Vouloir tout contrôler dans son environnement en niant la croissance de l'imprévisible, c'est nier la réalité du monde qui nous entoure. Cette triple négation de la vie, de la nature et du monde, qui est accomplie simultanément par l'Homme Dieu, ne peut qu'avoir des conséquences funestes pour l'humanité. Quand on nie la réalité elle finit toujours, comme un boomerang, par vous revenir en pleine figure ! On comprend maintenant, devant la cohérence logique qu’il y a pour l'Homme-Dieu à accomplir de façon simultanée cette triple négation, comment se regroupent les trois aspects de l'ouvrage de Bertrand Vergely. Comment l'homme qui refuse ses limites, l'homme qui prône l'égalité pour tous et l'homme qui promeut le principe de précaution ne constituent en fait qu'un seul et même homme, l'Homme Dieu, et un seul et même projet, celui, prométhéen mais voué à l’échec, de vouloir contraindre ce qui est à sa volonté. On ne peut que trop prévoir hélas que tout ceci s'achèvera dans une folie collective, comme la vie de Nietzsche, avec sa volonté de puissance, s'était achevée dans la folie. Il est beau d'aspirer à la liberté mais l'homme qui n'a ni Dieu ni maître n'est pas libre, il est l'esclave de lui-même, c'est aussi l'une des grandes démonstrations de Bertrand Vergely dans cet ouvrage. Aucune des grandes innovations dont la modernité est si fière et que nous devons accepter sous peine d'être ringard, intolérant et exclu de l'espace et du débat public n'échappe à la déconstruction de Bertrand Vergely. Le mariage pour tous, la réussite pour tous, la célébrité pour tous, la tolérance pour tout, la laïcité à la française, le principe de précaution, l’euthanasie, la mort de la mort sont ainsi passés à la moulinette d'une démarche qui se situe au cœur de la philosophie vraie, celle qui aborde les questions fondamentales pour l'être humain et qui le fait dans un langage clair, susceptible d'être compris de tous. On le suit d’étapes en étapes avec une sorte de jubilation. On se dit, à chaque nouveau thème abordé, « non, il ne va pas oser aussi cela ! », eh bien, si, il ose tout! Notre société a été pendant plusieurs siècles étouffée par un conservatisme qui est allé de pair avec une grande hypocrisie, cela étant possible à cause des dérives de ceux qui, à l'image du Grand inquisiteur de Dostoïevski, ont « transformé une religion d'amour en religion de pouvoir » comme nous le rappelle Bertrand Vergely. La déconstruction de cette société était une bonne chose, mais elle a laissé la place au duo infernal Protagoras-Nietzsche. Aujourd'hui, ce qui doit être déconstruit ce sont tous ces thèmes, qui font d'un homme autoproclamé maître et possesseur de la nature, un être schizophrène se voulant sans limite dans un monde où les limites sont partout, que ce soit en terme de nature, en terme de d'égalité ou de prédictibilité. Mais l’énorme apport de Bertrand Vergely, c'est de faire cette critique au nom du futur et non pas au nom du passé, ou au nom d'un dogme ou d'une morale (même s’il est c'est clair que sa conclusion retrouve bien évidemment non seulement la morale chrétienne mais aussi celles de nombreuses autres traditions de l'humanité - il mentionne au passage que la sagesse chinoise nous donne une bonne idée de la mesure quand elle enseigne que l'équilibre à travers l'harmonie des contraires est à la base de tout[8]). Non, il le fait au nom de ce que cette révolution d'un humanisme sans Dieu prétendait elle-même faire, c'est à dire créer les conditions pour le bonheur de l'humanité. Tout ce qui dans cette démarche nous apparaît à court terme comme une bonne idée se révèle comme étant mortifère à long terme nous avertit Bertrand Vergely. Les buts même poursuivis par l'humanisme athée nécessitent pour être atteint de faire l’inverse de ce que préconise cet humanisme athée ! C'est cette démonstration qui fait de cet ouvrage un ouvrage essentiel du siècle qui commence et qui contribue à définir une « transmodernité », car il s’agit ici d’une démarche qui va bien au-delà de la déconstruction que pratique la postmodernité, puisqu’elle nous fournit les bases d’une reconstruction qui a son originalité propre, même si elle utilise d’anciennes fondations. [1] Bertrand Vergely, ouvrage cité, pages 81-82. [2] http://www.marieclaire.fr/,femme-robot-le-fantasme-devient-realite,20161,686831.asp#?slide=3 [3] Marc 12, 14-17 [4] Bertrand Vergely, ouvrage cité, pages 98-99 [5] Pilote de guerre, Gallimard le livre de Poche, 1963, pages 224-225 [6] Bertrand Vergely, ouvrage cité, pages 123-124. [7] Bertrand Vergely, ouvrage cité, pages 89-90. [8] Bertrand Vergely, ouvrage cité, page 31.
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Elon Musk est un des héros de mon ouvrage Les Clés du futur et, comme je le disais dans le post précédent, il est le « barbare en chef ». Comme les « nouveaux barbares » il attaque les industries établies avec de nouveaux modèles, mais lui le fait sur une échelle inconnue jusqu'alors.
On peut déduire plusieurs choses de ce reportage récent dans la première usine d'assemblage que Tesla vient d'ouvrir en Europe. Premièrement, cela montre que l'objectif d'Elon Musk pour Tesla est bien, à terme, la conquête du monde, et pas seulement de rester sur un marché de niche, celui de la voiture électrique de luxe, comme on pouvait le croire pendant longtemps. L’usine, totalement futuriste (voir le «corridor de lumière » dans lesquel passent les voitures, on dirait un lieu de science-fiction), sans une tache de cambouis, est impressionnante en elle-même. Mais c'est surtout les voitures qui le sont, avec leurs possibilités d'être mises à jour grâce au téléchargement de programmes informatiques, comme des ordinateurs. Et surtout on découvre dans ce reportage que les voitures Tesla peuvent déjà se conduire toutes seules, freiner face à un obstacle, changer de file pour doubler un camion, puis se rabattre sans intervention humaine, autre que celle d'une action sur le clignotant ( mais pas sur le volant!) indiquant la volonté de l'humain de doubler. Ainsi, sans faire de bruit, Elon Musk ne s’est pas laisser distancer par Google. Les paris engagés, comme les besoins de financement, sont gigantesques, mais plus que jamais, comme le montre ce reportage, Elon Musk est l’homme à suivre en ce début de XXIe siècle. À quelques heures de la soirée de Noël, je fais une pause pour méditer sur ce qui s'est passé depuis 7 mois, depuis la sortie de mon livre Les clés du futur le 28 mai dernier. L'événement principal a été le grand débat dans la salle Raymond Aron de l'Université de Dauphine avec Michel Maffesoli, Jacques Attali et André Comte-Sponville, animé par François de Witt. Cela a été possible grâce au soutien de mes amis Dominique Louis, Jean-Michel Mousset et Michel Rousseau. Que de telles personnalités aient accepté de débattre avec moi de mon ouvrage était un signe encourageant. Depuis il y a eu de nombreux passages dans les médias et des réactions quasiment unanimes et enthousiastes de lecteurs anonymes comme de personnalités. Mais ce n'est pas de ça dont je veux vous parler ici, c'est de ce qui n'est pas dans mon livre et que j'ai découvert depuis. Au chapitre 9 des Clés du Futur je parlais des «quatre mousquetaires de la transmodernité ». Voilà maintenant les quatre mousquetaires français de la French Tech. Cette France des nouvelles technologies, dont le monde, stupéfait, a découvert au dernier «consumer electronic show », le fameux CES de Las Vegas, qu'elle pouvait fournir de nombreuses start-up innovantes. Les 1 et 2 octobre, il y avait, au palais des congrès de Lille, la grande convention de l’APM qui a lieu tous les deux ans. Il faut savoir rendre grâce à toute l'équipe de l’APM, on y a vécu des moments fabuleux. Par exemple quand Philippe Croizon, devant 3700 chefs d'entreprise, nous explique comment il a retrouvé le goût de la vie après avoir perdu ses bras et ses jambes dans un accident, et comment il a réussi dans cet état à traverser la Manche à la nage. Il venait de montrer comment on peut encore être vivant alors que l'on pensait être déjà mort, au moins mort à la vie normale. Vous pouvez regarder cet extraordinaire témoignage:
Son discours était exactement l'inverse de celui de Philippe Croizon, il disait aux chefs d'entreprise : vous croyez tous être encore vivants, mais en fait vous êtes déjà mort, parce que nous, les barbares, nous avons déjà attaqué ! Sur le site de TheFamily, on trouve toute une série de vidéos intitulées « les barbares attaquent » concernant tous les secteurs de l'économie. En fait nous sommes entourés de barbare, Uber est un barbare qui attaque l'activité des taxis, AirBnB est le barbare de l'hôtellerie, Blablacar un barbare des transports, etc… Et je rajouterai que le barbare en chef est Elon Musk lui qui après avoir attaqué, au moins indirectement, Visa et MasterCard, avec le paiement sur Internet et Paypal, attaque des industries aussi établies que celles du spatial avec Space X, de l’automobile avec Tesla et de l'énergie avec SolarCity. Les barbares ne viennent plus détruire des villes ils viennent détruire de la valeur et on espère qu'ils en créeront de leur coté, même si cela n'est pas toujours évident (voir le dossier de Marianne : la grande arnaque du numérique, je le mentionne ici, bien qu'il me semble être très contre productif, car on ne peut certainement pas aller contre la révolution numérique, de même qu'on peut pas aller contre le fait que la marée montre, il faut néanmoins savoir prendre ses précautions dans les deux cas !). C'est aussi à Lille que j'ai entendu pour la première fois Idriss Aberkane le grand spécialiste français du bio mimétisme. En regardant le témoignage qu'il a fait au conseil économique et social vous comprendrez les potentialités formidables de cette discipline non traitée dans mon ouvrage et vous pouvez aussi lire l’ouvrage de Janine Benyus À Lille (décidément tout le monde était à Lille) il y avait aussi un ami que je connais de longue date, Gilles Babinet. Autant je savais qu'il était le « champion digital » de la France auprès de la communauté européenne, qu'il avait été le premier président français du conseil du numérique, autant j'avoue, à ma grande honte, que je ne l’avais pas lu. Son ouvrage Big data penser l'homme et le monde autrement est absolument remarquable et permettra aux lecteurs de prendre conscience des ressources extraordinaires qui se trouvent dans l'information et surtout dans sa gestion. Les applications qu'il présente pour les villes, l’agriculture et la santé sont particulièrement intéressantes. Enfin mon ami d'enfance, connu au lycée Victor Duruy, Jean-Baptiste Rudelle a publié en septembre son deuxième livre On m'avait dit que c'était impossible. Grâce à l'extraordinaire succès de Criteo, cotée 2,5 milliards de dollars sur le NASDAQ ce livre, très bien écrit, est publié chez un grand éditeur, et largement diffusée et lui a valu de nombreux passages dans les médias, ce qui n’était pas le cas de son premier. (voir ce bel article dans le Point ). C'est mérité car cet ouvrage nous montre que le mal français ne réside pas dans ce dont se plaignent généralement les chefs d'entreprises (code du travail trop abondant, taxes trop importantes) mais essentiellement dans un problème culturel. Il formalise aussi de façon remarquable une évolution du marketing qui se déroule sous nos yeux, ce qu'il appelle « la mort de la ménagère de moins de 50 ans ». Il ne s'agit plus de faire du marketing en essayant de toucher tel ou tel profil (le teenager, le retraité la ménagère…) mais de savoir ce qu'un individu inconnu a envie d'acheter à un moment donné. Des gens très différents peuvent vouloir acheter les mêmes choses et des gens aux profils identiques peuvent acheter des choses très différentes au même moment. C’est en sachant mieux que Google, mieux que tous les géants américains du net, détecter ce que vous avez envie d'acheter à l'instant T que Jean-Baptiste a construit le plus grand succès français dans le monde digital. Oussama Ammar, Idriss Aberkane, Gilles Babinet, Jean-Baptiste Rudelle ont des profils profondément différents, ne se sont jamais rencontrés tous les quatre ensemble, mais il m'apparaît avec évidence qu'ils représentent quatre des potentialités les plus intéressantes de la fameuse French Tech. Samedi dernier, le 19 décembre, Gilles Babinet m'a invité, dans son étonnant appartement sous les toits, fait d’un véritable labyrinthe de pièces reliées par des escaliers (une structure que je trouve fantastique, moi qui ai horreur des grands espaces vides) à un « dîner pour changer le monde ». Il y avait là quelques personnalités : Érik Orsenna, Corinne Lepage et son mari Christian Huglo, Jean Louis et Perla Servan-Schreiber, mais surtout plus d'une vingtaine de jeunes faisant des choses remarquables, dont le fondateur de la paillasse, un centre de recherche en biotechnologies né dans un squat avec du matériel scientifique récupéré dans les poubelles, constitué de chercheurs pour la plupart non-professionnels… et qui a réussi au point d'avoir même des contrats avec la NASA ! Cela nous montre comment le monde d'aujourd'hui permet une explosion de trajectoires à l'extérieur du système officiel, ce que bien des décideurs ou des penseurs du monde moderne n'ont toujours pas compris (voir mon débat avec André hihihi…) Il y avait aussi Clément Jeanneau, qui dirige l'association sur les Blockchain, une application à des domaines très différents de la technique du Bitcoin. Le Financial Times a pu écrire qu'elle serait aussi importante pour l'humanité que l'invention de la machine à vapeur, cela me paraît encore douteux, mais c'est certainement un point à surveiller et qui, également, n’est pas mentionné dans mon livre (le Bitcoin l’étant, bien évidemment). Enfin, parmi les choses dont j'ai envie de vous parler, il y a le professeur Bin He qui a développé, à l’université du Minnesota, un programme permettant à ses étudiants de contrôler un drone par la pensée.
Cette interface homme-machine ouvre des perspectives vertigineuses, complémentaires de celles du Johns Hopkins Laboratory (cité au chapitre 1 de mon ouvrage), où on a réussi à mettre en place des bras robots sur un homme ayant perdu ses bras, bras robots contrôlés par son cerveau via l’influx nerveux, ce qui est, là aussi, une première mondiale ouvrant des perspectives vertigineuses. Voilà ce que j'avais envie de vous dire. Je reviendrai dans ce blog en détail sur chacun des points évoqués ici et tout particulièrement sur les quatre mousquetaires de la French Tech. En attendant, je vous souhaite de passer de belles fêtes de Noël ! UNE grande décision à l'approche de Noël et de la nouvelle année : commencer un blog pour partager avec vous l'actualité des thèmes de mon ouvrage Les clés du futur mais aussi toutes mes découvertes récentes qui ne sont pas dans ce livre!
Je vous parlerais ici aussi de l'Univers, de la Vie, de la Conscience, de la Physique Quantique, des Mathématiques, des Religions, des liens entre Science et Foi, du Jeu d'échecs, du cinéma et de beaucoup d'autres passions…. |
AuteurJean Staune, animé par de nombreuses passions multi-disciplinaires, et bien des rêves, partage ici ses découvertes, ses réflexions et sa quête de connaissance ArchivesCatégories
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