Plaidoyer pour une écologie positive
Par Luc Ferry
Mis à jour le 28/10/2015 à 15h45 | Publié le 28/10/2015 à 15h36
LA CHRONIQUE DE LUC FERRY - Dans son livre Les Clés du futur, Jean Staune vante un modèle d'écologie intégrée au marché, loin du fondamentalisme des Verts.
Enfin un ouvrage intelligent sur l'écologie, un livre qui, au lieu de pleurnicher sur nos splendeurs passées, d'idéaliser je ne sais quel âge d'or perdu ou de nous inviter, comme disait Voltaire, à remarcher «à quatre pattes», s'attache à comprendre les potentialités positives qui vont révolutionner notre avenir. Elles sont du reste déjà là, à l'œuvre dans nos sociétés modernes.
Si vous n'êtes pas de ceux qui passent leur temps à commémorer quelque moment glorieux de leur identité perdue pour tenter d'apercevoir ce qui reste de leur nombril, lisez donc le maître livre de Jean Staune, Les Clés du futur*. Réinventer ensemble la société, l'économie et la science (chez Plon, avec une préface de Jacques Attali). Il montre comment les nouvelles technologies apportées par les «Gafa» (Google, Apple, Facebook et Amazon) sont en train, pour le pire parfois, mais aussi le meilleur (tout dépend de ce que nous en ferons!), de bouleverser le monde dans tous les domaines: la médecine (qui progresse chaque jour en s'orientant vers ce qu'un de nos grands chirurgiens, Guy Vallancien, nomme une «médecine sans médecins», la biologie gagnant sans cesse du terrain sur la clinique), l'économie (qui devient «collaborative», sur le modèle d'Airbnb, de Blablacar, d'Uber et de mille autres applications qui attaquent de plein fouet les commerces traditionnels) ou encore l'écologie, qui va devoir enfin cesser d'être punitive, antilibérale et mortifère pour devenir «positive» en s'intégrant à l'économie de marché.
Construire un avenir écologique qui plaide pour la croissance et la consommation
C'est notamment sur ce dernier point que le livre de Staune est particulièrement intéressant et novateur. S'inscrivant dans le sillage de «l'économie circulaire» analysée dans les travaux de Gunter Pauli (Croissance sans limites. Objectif zéro pollution), Michael Braungart et William McDonough (Cradle to cradle. Créer et recycler à l'infini), il s'attache à formuler les principes de cette écologie dite «positive». La formule peut sembler galvaudée, voire insignifiante quand elle est employée dans un contexte politique où les concepts sont en général réduits à des spots publicitaires. En vérité, elle est d'une rare profondeur, car elle nous invite à repenser de fond en comble le projet philosophique, spirituel et scientifique environnemental en nous appuyant notamment sur deux notions de l'économie circulaire aussi puissantes que fécondes.
D'abord l'idée que, sur un point au moins, nous devrions imiter la nature: en elle, en effet, il n'y a, pour reprendre l'heureuse formule de William McDonough, «ni poubelles ni déchets». Tout y est recyclable de sorte qu'on peut, en la prenant pour modèle, non seulement réduire les coûts et faire des profits, mais construire au passage un avenir écologique qui, en s'intégrant à l'économie, plaide pour la croissance et la consommation au lieu de les haïr comme le font les fondamentalistes verts. Des milliers d'entreprises s'y retrouvent aujourd'hui, des raffineries italiennes reconverties dans la production de biopolymères, des fermes qui font pousser des champignons sur de prétendus «déchets», des firmes qui fabriquent du papier à base de poudre de pierre et de résidus de plastique sans utiliser aucune fibre végétale ni même la moindre goutte d'eau! Le livre de Staune fourmille d'exemples qui montrent qu'on peut créer des entreprises, de la croissance et de l'emploi en «rendant service à la planète».
Inventer
Où l'on rejoint le second principe de l'écologie positive: il ne s'agit pas «d'être moins mauvais» (sous entendu: pour y parvenir, on va vous punir, taxer, comprimer, réduire, empêcher, interdire, etc.), mais d'être bon, voire excellent, non pas en limitant la croissance et la consommation, mais, au contraire, en inventant, grâce aux technologies nouvelles, des possibilités infinies de croître sans limites en dépolluant. À l'encontre de ce que prétendent nos Khmers verts, pères fouettards de la verdure rigoriste et du retour au dénuement, c'est bel et bien en accentuant la croissance et la consommation qu'on sauvera le monde de la crise écologique, pourvu du moins que le développement soit enfin conçu dès l'origine pour dépolluer et enrichir l'environnement.
Vous doutez? Vous pensez que c'est de l'utopie? Allez y voir de plus près dans le livre de Staune, et vous verrez que l'intégration de l'écologie, de la logique du recyclage et de l'économie circulaire dans celle du marché est non seulement viable, mais qu'elle constitue sans nul doute la seule voie d'avenir pour l'humanité.
*Jean Staune, Les clés du futur, Plon, 450 pages, 24,90 euros
Par Luc Ferry
Mis à jour le 28/10/2015 à 15h45 | Publié le 28/10/2015 à 15h36
LA CHRONIQUE DE LUC FERRY - Dans son livre Les Clés du futur, Jean Staune vante un modèle d'écologie intégrée au marché, loin du fondamentalisme des Verts.
Enfin un ouvrage intelligent sur l'écologie, un livre qui, au lieu de pleurnicher sur nos splendeurs passées, d'idéaliser je ne sais quel âge d'or perdu ou de nous inviter, comme disait Voltaire, à remarcher «à quatre pattes», s'attache à comprendre les potentialités positives qui vont révolutionner notre avenir. Elles sont du reste déjà là, à l'œuvre dans nos sociétés modernes.
Si vous n'êtes pas de ceux qui passent leur temps à commémorer quelque moment glorieux de leur identité perdue pour tenter d'apercevoir ce qui reste de leur nombril, lisez donc le maître livre de Jean Staune, Les Clés du futur*. Réinventer ensemble la société, l'économie et la science (chez Plon, avec une préface de Jacques Attali). Il montre comment les nouvelles technologies apportées par les «Gafa» (Google, Apple, Facebook et Amazon) sont en train, pour le pire parfois, mais aussi le meilleur (tout dépend de ce que nous en ferons!), de bouleverser le monde dans tous les domaines: la médecine (qui progresse chaque jour en s'orientant vers ce qu'un de nos grands chirurgiens, Guy Vallancien, nomme une «médecine sans médecins», la biologie gagnant sans cesse du terrain sur la clinique), l'économie (qui devient «collaborative», sur le modèle d'Airbnb, de Blablacar, d'Uber et de mille autres applications qui attaquent de plein fouet les commerces traditionnels) ou encore l'écologie, qui va devoir enfin cesser d'être punitive, antilibérale et mortifère pour devenir «positive» en s'intégrant à l'économie de marché.
Construire un avenir écologique qui plaide pour la croissance et la consommation
C'est notamment sur ce dernier point que le livre de Staune est particulièrement intéressant et novateur. S'inscrivant dans le sillage de «l'économie circulaire» analysée dans les travaux de Gunter Pauli (Croissance sans limites. Objectif zéro pollution), Michael Braungart et William McDonough (Cradle to cradle. Créer et recycler à l'infini), il s'attache à formuler les principes de cette écologie dite «positive». La formule peut sembler galvaudée, voire insignifiante quand elle est employée dans un contexte politique où les concepts sont en général réduits à des spots publicitaires. En vérité, elle est d'une rare profondeur, car elle nous invite à repenser de fond en comble le projet philosophique, spirituel et scientifique environnemental en nous appuyant notamment sur deux notions de l'économie circulaire aussi puissantes que fécondes.
D'abord l'idée que, sur un point au moins, nous devrions imiter la nature: en elle, en effet, il n'y a, pour reprendre l'heureuse formule de William McDonough, «ni poubelles ni déchets». Tout y est recyclable de sorte qu'on peut, en la prenant pour modèle, non seulement réduire les coûts et faire des profits, mais construire au passage un avenir écologique qui, en s'intégrant à l'économie, plaide pour la croissance et la consommation au lieu de les haïr comme le font les fondamentalistes verts. Des milliers d'entreprises s'y retrouvent aujourd'hui, des raffineries italiennes reconverties dans la production de biopolymères, des fermes qui font pousser des champignons sur de prétendus «déchets», des firmes qui fabriquent du papier à base de poudre de pierre et de résidus de plastique sans utiliser aucune fibre végétale ni même la moindre goutte d'eau! Le livre de Staune fourmille d'exemples qui montrent qu'on peut créer des entreprises, de la croissance et de l'emploi en «rendant service à la planète».
Inventer
Où l'on rejoint le second principe de l'écologie positive: il ne s'agit pas «d'être moins mauvais» (sous entendu: pour y parvenir, on va vous punir, taxer, comprimer, réduire, empêcher, interdire, etc.), mais d'être bon, voire excellent, non pas en limitant la croissance et la consommation, mais, au contraire, en inventant, grâce aux technologies nouvelles, des possibilités infinies de croître sans limites en dépolluant. À l'encontre de ce que prétendent nos Khmers verts, pères fouettards de la verdure rigoriste et du retour au dénuement, c'est bel et bien en accentuant la croissance et la consommation qu'on sauvera le monde de la crise écologique, pourvu du moins que le développement soit enfin conçu dès l'origine pour dépolluer et enrichir l'environnement.
Vous doutez? Vous pensez que c'est de l'utopie? Allez y voir de plus près dans le livre de Staune, et vous verrez que l'intégration de l'écologie, de la logique du recyclage et de l'économie circulaire dans celle du marché est non seulement viable, mais qu'elle constitue sans nul doute la seule voie d'avenir pour l'humanité.
*Jean Staune, Les clés du futur, Plon, 450 pages, 24,90 euros